La récréation est finie pour le capitaine Dadis, en soins intensifs à l'hôpital militaire de Rabat. Cela fait deux semaines qu'il a été victime d'une tentative d'assassinat, il a reçu une balle dans la boîte crânienne, ce qui risque de laisser de lourdes séquelles et son rétablissement, si rétablissement il y a, prendra sans doute du temps. Son retour au pouvoir est de moins en moins envisageable à Conakry où le nouvel homme fort est un général. C'est le ministre de la défense et numéro 3 de la junte, Sékouba Konaté, devenu chef de l'Etat par intérim depuis quelques jours. En fait, le général n'a fait que reprendre ses billes. On apprend aujourd'hui qu'il avait été l'acteur clé du coup d'Etat, au lendemain de la mort du général Lansana Conté. Le petit capitaine n'aura été qu'un pion dans le jeu du CNDD, l'organe de la junte. Il aurait été, d'une façon ou d'une autre, éliminé de l'échiquier politique par ses propres compagnons, affirment des sources crédibles en Guinée. Il a alors payé son reniement. Au coup d'Etat, il avait promis de ne pas se porter candidat à l'élection présidentielle, mais après avoir goûté à l'ivresse du pouvoir, il est revenu sur sa décision. Voilà, peut-être, pourquoi on lui a tiré sur la tête. Konaté qui a travaillé dans les coulisses a même nommé, pour seconder le capitaine dans l'exercice de la chefferie de la junte, un général malade, par ailleurs sous traitement médical lui aussi au Maroc. Le général Mamadou Bah Toto Camara, qui devait diriger le pays en l'absence du chef de la junte, est donc hors jeu, comme Dadis. L'ancien commandant du bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA, l'unité d'élite de l'armée guinéenne), le général Konaté, a bien réussi son coup. Ce n'est pas qu'une question de baraka. À peine arrivé à la tête du pays, le général reçoit le soutien de la communauté internationale, notamment des Etats-Unis et de la France, qui le jugent fiable. Certains pays africains ont suivi, en dépit des résolutions de l'UA. La crédibilité du général tient également au fait qu'il était absent de Conakry lors du massacre de plus de 150 opposants le 28 septembre dernier. On ne sait pas pourquoi alors que le pays était dans une situation insurrectionnelle avec l'opposition chauffée à blanc et qui voulait en découdre. Une chose est sûre, les relations entre Dadis et Konaté étaient assez froides ces derniers temps, dès lors que le capitaine n'a plus respecté ses engagements de conduire la Guinée vers des élections démocratiques. Konaté, assez populaire dans son pays et fort du soutien de la communauté internationale, ne rendra pas le pouvoir au capitaine. Le général qui a effectué une tournée générale dans tous les camps militaires de la capitale Conakry a exigé de l'armée son ressaisissement et le retour à toute discipline requise. Il a mis de l'ordre dans l'armée et semble même maîtriser la situation dans un pays sous haute tension. Konaté jouit d'une stature qui le ferait respecter, à l'inverse d'un Dadis imprévisible. Mais cela n'arrange pas pour autant l'opposition qui devra maintenant s'adresser à un général populaire, réputé intelligent.