Le rapport accablant de la commission de l'Organisation des Nations unies chargée de faire la lumière sur les événements du 28 septembre à Conakry, le tient pour responsable des massacres qui ont fait 156 morts. Le Royaume marocain avait ouvert les bras au chef de la junte guinéenne. Grièvement blessé par son aide de camp dans une tentative d'assassinat, il a été évacué le 4 décembre au Maroc pour y être opéré à l'hôpital Hay Riyad de Rabat. A travers un communiqué de son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, la diplomatie marocaine avait annoncé que le capitaine Moussa Dadis Camara, qui a atterri le 4 décembre 2009 à l'aéroport de Rabat-Salé, allait être reçu pour «des considérations strictement humanitaires afin de lui prodiguer les soins nécessaires en milieu hospitalier marocain» Il n'y aurait peut-être rien à redire si la main tendue des autorités marocaines «pour des raisons humanitaires» au dictateur sanguinaire autoproclamé président de la République de Guinée, juste après le décès du chef de l'Etat, Lansana Conté, n'était entachée en même temps par une véritable question de violation des droits de l'homme: l'affaire Aminatou Haïdar. Les autorités marocaines qui l'ont expulsée vers l'île de Lanzarote, dans les îles Canaries, ont refusé son retour à El Aâyoune, la ville où elle réside. Le Maroc a cédé devant une pression et une solidarité internationales sans précédent. La militante sahraouie des droits de l'homme a fini par triompher après une grève de la faim qui a duré 32 jours. Ces deux exemples situés aux antipodes illustrent le type de traitement réservé à la question des droits humains par le Royaume alaouite. La commission d'enquête de l'Organisation des nations unies, confiée à l'Algérien Mohamed Bedjaoui, chargée d'enquêter sur les massacres du 28 septembre dans la capitale guinéenne, vient de rendre son verdict. Ils portent probablement l'empreinte de Moussa Dadis Camara. Ce dernier est accusé, au même titre que plusieurs de ses proches, de «crimes contre l'humanité». Ce qui leur confère «une responsabilité pénale directe» mentionne le rapport, de quelque soixante pages, cité par le quotidien français Le Monde. Du côté de Rabat, ceux qui ont pris la décision d'accueillir le dictateur, psychopathe, guinéen ne doivent pas en mener large. Moussa Dadis Camara est bien un invité encombrant. Et si un mandat d'arrêt international était lancé contre lui? Les autorités marocaines le livreront-elles? Une question que ferait bien de méditer ceux qui ont l'air d'avoir mis le monarque marocain dans l'embarras. Il ne fait pas bon de fricoter par les temps qui courent avec des chefs d'Etat illégitimes qui, de surcroît, n'ont aucun scrupule à supprimer froidement des vies humaines. Le rapport de la commission d'enquête qui a été remis samedi dernier au Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies, l'ONU, décrit «non pas une journée d'affrontements politiques qui aurait mal tournée mais une série de tueries systématiques, de viols, et d'actes de tortures organisés contre une partie de la population». Il indique, en outre, une «intention préméditée de faire un maximum de victimes parmi les manifestants». Le 28 septembre 2009, un meeting est organisé dans le stade de Conakry par l'opposition pour protester contre la candidature de Moussa Dadis Camara qui avait pris la décision de briguer la magistrature suprême en 2010. La manifestation tourne au carnage. Les militaires tirent froidement sur la foule. 156 personnes sont massacrées selon un bilan officiel qui fait aussi état de milliers de blessés. Le terrain de football de la capitale guinéenne, dont la capacité d'accueil est de 25.000 personnes, était plein à craquer. Les «Bérets rouges» de Dadis Camara ont tiré dans le tas. Les enquêteurs ont confirmé la mort de 156 personnes. 109 femmes ou jeunes filles, au moins, ont été victimes de viols, d'esclavage et de mutilations sexuelles. «Le nombre des victimes est très probablement plus élevé», précise le rapport. La junte guinéenne aurait, selon toute vraisemblance, tenté de masquer la vérité. La commission d'enquête qui a entendu quelque 700 témoins «considère qu'il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale du président Moussa Dadis Camara», fait savoir le quotidien Le Monde qui a pris connaissance du rapport. La commission d'enquête que dirige l'ex-premier magistrat de la planète, Mohamed Bedjaoui, président de la Cour internationale de justice de la Haye de 1994 à 1997, sollicite la saisine de la (CPI) la Cour pénale internationale. Plusieurs personnes de l'entourage du dictateur sont accusées. Parmi elles figure le lieutenant Diakité dit «Toumba» qui a tenté d'abattre, le 3 décembre dernier, Moussa Dadis Camara. Il occupait la fonction de chef de la Garde présidentielle au moment des faits. Ce sont ses membres qui sont responsables des massacres du 28 septembre. Le chef de la junte militaire guinéenne qui se remet de son opération est toujours en convalescence à Rabat. Un cadeau de fin d'année dont le souverain marocain se serait bien passé.