Si le mariage est un but légitime et ultime à atteindre dans la vie pour la femme, il reste qu'accepter de se marier en se contentant seulement de la lecture de la Fatiha sans l'acte civil entraîne parfois des conséquences néfastes pour elle et l'enfant qu'elle mettra au monde. En effet, des centaines de femmes se sont retrouvées dans les cours de justice après avoir été abandonnées par des “époux” qui ont abusé de leur confiance en leur proposant ce mariage non déclaré civilement. Si le mariage, célébré à l'issue de la prononciation rituelle de la Fatiha est, d'un point de vue religieux, valable, il demeure que sur le plan civil et en raison de sa non-transcription à l'état civil, il va se transformer pour la femme en un véritable calvaire. Malgré l'existence d'une circulaire (du 12 avril 2000 n°60) des affaires religieuses et des waqfs, qui instruit les imams afin qu'ils ne célèbrent plus la cérémonie de prononciation de la Fatiha dans le cas où l'acte de mariage dûment enregistré à la mairie ne serait pas présenté, cette pratique persiste. Et à ce jour, aucun imam n'a été condamné. En dépit du tort et des préjudices qu'il porte parfois à la femme et à l'enfant. Le contrôle est d'autant plus compliqué à exercer. Un mariage religieux ou civil n'est pas un sacrement, mais un contrat ; il peut être célébré dans la sphère privée par toute personne pieuse choisie par les familles, à condition qu'elle respecte quatre critères : présence de deux témoins, du tuteur de la mariée, accord sur la dot, énonciation de la formule par laquelle le père du marié demande la main de la jeune fille à son père. “Nous ne pouvons pénaliser l'imam. Nous avons envoyé une circulaire à tous les imams sur le territoire national pour leur demander d'expliquer aux prétendants au mariage d'établir l'acte civil qui reste un outil très important pour la protection de la femme et de l'enfant. Nous avons également organisé avec le conseil national scientifique et islamique une rencontre où nous avons réuni des imams et hommes de culte pour discuter, entre autres, du mariage religieux et nous avons clôturé la rencontre avec des recommandations et des réflexions sur la sensibilisation de la société sur l'importance de l'acte civil. Nous sommes sortis aussi avec une fatwa (avis juridique) rappelant l'obligation du mariage civil, car certains imams n'étaient pas au courant de la loi”, souligne M. Yahia Douri, sous-directeur de l'orientation religieuse et activités de mosquées. “Il est important de savoir que la société algérienne n'est pas encore sortie de son statut traditionnel et religieux pour aller vers une société civile. Et c'est dans ce sens que nous avons demandé aux imams de sensibiliser les futurs mariés qui se présenteraient pour la Fatiha d'aller d'abord faire l'acte civil. L'imam ne peut obliger les personnes à aller vers les communes ou vers les notaires pour enregistrer cet acte administratif, et ne peut être puni pour cela. Son rôle consiste à conclure le mariage religieux selon la charia islamique en citant les droits et les devoirs de l'épouse et de l'époux”, souligne-t-il. Avec tous les dangers qu'il présente, le mariage religieux (orfi) demeure symboliquement plus important que la cérémonie civile. Aussi, certains y ont recours pour s'autoriser des relations sexuelles “en tout bien tout honneur”, pour pratiquer la polygamie ou pour profiter de procédures de répudiation plus souples que celles d'un divorce.