C'est tentant d'ajouter sa petite larme à celles, abondantes, des déçus de Copenhague. Surtout que cela fait ringard de ne pas arborer l'insigne de l'écologie, de l'altermondialiste, du développement durable et de l'économie de l'énergie. Mais si les lamentations sont multiples, le souci écologique ne semble pas aussi universel que son expression médiatique le laisse penser. Preuve en est qu'on ne s'est pas embarrassé de procédures de prise de décision préalables et de mise en œuvre de l'improbable accord de Copenhague. Même l'Assemble générale des Nations unies ne constitue pas un collège équivalent, puisque les initiatives relatives à la paix et à la sécurité du monde ont été soigneusement accaparées par le syndicat des membres permanents du Conseil de sécurité. Mais au regard des résultats du conclave planétaire, le climat a eu un traitement moins prévenant que celui réservé à la question de la paix, dans la première moitié du siècle. Autant que la SDN, qui n'a pas pu obtenir l'adhésion – ou plutôt la ratification de l'adhésion – des Etats-Unis, le protocole de Kyoto n'avait pas pu s'offrir l'assentiment du premier pollueur (les Etas-Unis), tout en dispensant le second, la Chine, de tout engagement. L'accord de Copenhague n'équivaut même pas au progrès politique de 1945, quand l'Onu succédait à la SDN. Contrairement à Kyoto, cet accord ne prévoit aucun instrument de contrainte pour obliger les Etats à respecter des engagements… qu'ils n'ont pas pris. Le professeur Philippe Moreau Defarges écrivait, en 2004, à propos de la SDN (“De la SDN à l'ONU”, revue Pouvoirs ) qu'après la Première Guerre mondiale, à la Conférence de la paix, en 1919, “les questions importantes, celles qui se posent toujours aujourd'hui, sont sur la table. Mais chacun réagit avec ses souffrances, ses frustrations et ses intérêts. Les solutions retenues sont bancales. Les hommes se trompent sur leurs effets. D'où des engrenages imprévus ou mal prévus.” On peut résumer le déroulement du sommet de Copenhague et ses résultats. Dieu nous garde donc des “engrenages imprévus ou mal prévus”. Les Etats sont faits pour défendre les intérêts des nations, pas ceux de l'humanité. Si quelques gouvernements se confondent en gesticulations environnementalistes, à l'image de Sarkozy, c'est du fait de la solidarité objective que leur impose l'absence de frontières climatiques. Ils sont d'ailleurs vite rattrapés par le souci, de Lulla entre autres, de prioriser le développement local sur le développement global ou par les contraintes de politiques nationales, comme chez Obama, par exemple. Quatre-vingt-dix ans après la conférence de Paris, ou soixante-cinq ans après celle de San Francisco, il en fut autrement pour l'idée de préservation de la planète que pour celle de défense de la paix. S'il en était autrement, l'ONU aurait évolué avant Copenhague et même avant Kyoto. Si les questions planétaires ou humanitaires pouvaient prendre le dessus sur les égoïsmes nationaux, on l'aurait su : des périls plus immédiats, comme la question de l'eau, de la faim, des migrations et du terrorisme auraient bénéficié de ce progrès philosophique. Attendons donc que surviennent des guerres climatiques et que les intérêts des gagnants coïncident plus avec ceux de la nature. Attendons Noé ! M. H. [email protected]