Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l'unanimité la résolution 1495, relative à la prorogation jusqu'au 31 octobre prochain du mandat de la Mission de l'ONU pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso). Dans une déclaration rendue publique, le Front Polisario a exprimé sa satisfaction “pour l'échec des tentatives marocaines visant à s'opposer aux efforts des Nations unies”, en vue d'une solution au conflit maroco-sahraoui reposant sur “la pratique onusienne en matière de décolonisation”. Il a affirmé que la résolution 1495 “est de nature à relancer la dynamique de paix”, en s'en prenant à “la politique d'intransigeance et de fuite en avant” du Maroc et à la “partialité” et au “parti pris” de la France. De son côté, le Maroc a indiqué avoir pris “bonne note des termes de la résolution (…) et, en particulier, l'absence de référence au plan de règlement”, en rappelant “sa disponibilité entière et sincère” à engager un “dialogue franc” avec les parties impliquées. L'Algérie a accueilli “avec satisfaction” l'adoption de la résolution “qui a clairement consacré le plan de paix pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, comme la voie la plus appropriée pour un règlement juste et durable” du conflit. Nous vous livrons l'avis d'un spécialiste de la question, le professeur Yahia Zoubir, qui enseigne aux Etats-Unis. Liberté : L'Algérie, comme vous le savez, vient de donner son accord de principe concernant la dernière proposition de James Baker sur le Sahara occidental. Qu'en pensez-vous ? M. Yahia Zoubir : Je n'ai pas encore toutes les données sur la position algérienne qui vient d'être adoptée, mais je me pose un certain nombre de questions. Est-ce que la décision d'accepter la troisième voie, certes avec des réserves, a été faite d'une manière tactique, afin de mettre à nu les véritables intentions du Maroc ? Est-ce un abandon pur et simple des Sahraouis ? À l'heure actuelle, l'Algérie devrait être, à mon avis, en position de force sur la question du Sahara occidental et j'estime qu'elle n'a pas de raison de changer de position sur ce dossier. Je considère qu'un Etat qui abandonne les principes fondateurs de sa diplomatie ne peut se targuer d'être un Etat qui aspire à recouvrer son poids sur la scène internationale. Je voudrais ajouter autre chose : les Sahraouis ont fait une grande erreur dans le passé, celle d'avoir accepté, avec le plan de règlement des Nations unies, l'introduction de la notion d'intégration au Maroc, dans les questions à poser lors du référendum d'autodétermination. Dans toutes les situations de décolonisation, comme l'Algérie en 1962, la question posée a toujours été celle de choisir entre le oui et le non à l'indépendance. Donc, l'Algérie, plus que quiconque, est le pays le mieux placé pour aider les Sahraouis à exercer leur droit à l'autodétermination. Quels sont, selon vous, les objectifs des Etats-Unis au Maghreb ? Les Américains souhaitent voir l'émergence d'un Maghreb, en tant qu'entité, à des fins commerciales. Pour eux, seul un Maghreb intégré économiquement pourrait attirer les investisseurs potentiels.Le Maghreb n'est, certes, pas le Moyen-Orient, cette région vitale pour les décideurs américains. Il est important à leurs yeux dans la mesure où il se situe sur le flanc sud de l'Otan. Et que représente, selon vous, la région du Maghreb pour la France ? Pour la France, le Maghreb est extrêmement significatif d'un point de vue économique, politique, énergétique, culturel et géostratégique. Cela dit, il ne faut surtout pas croire que les Américains ne souhaitent pas pénétrer le Maghreb et en faire une extension de leurs intérêts au Moyen-Orient. Une compétition entre la France et les Etats-Unis est donc concevable. Dans ce cadre précis, je pense que l'Algérie pourrait exploiter cette concurrence, pour réaliser ses intérêts géopolitiques. Comment percevez-vous les relations algéro-marocaines ? Les deux Etats sont nés différemment. Ils représentent deux idéologies distinctes, même si l'histoire, la religion, la langue et la culture rapprochent les deux peuples. Pendant longtemps, surtout durant la guerre froide, les différences idéologiques ont beaucoup pesé sur les relations algéro-marocaines. La question du Sahara occidental a ensuite exacerbé les rapports entre eux. Aujourd'hui, le Maroc veut obtenir l'aval de l'Algérie et de l'ONU pour l'annexion du territoire sahraoui, ainsi que la réouverture de la frontière fermée depuis l'été 1994. Où est le problème ? Le problème réside dans le fait que les Marocains souhaitent un règlement des questions bilatérales à leur seul avantage. Je trouve même qu'ils sont versatiles, parce qu'ils sont parfois d'accord avec l'Algérie pour résoudre les différends bilatéraux et laisser le problème du Sahara occidental entre les mains de l'ONU. Et puis, ils reviennent sur leurs engagements et réclament un changement de position de l'Algérie concernant la question sahraouie. C'est cette versatilité du Maroc qui est à l'origine des tensions avec l'Algérie et qui empêche l'amélioration des relations entre les deux pays. Bien sûr, cette tension, c'est connu, est la principale cause du blocage de l'Union du Maghreb arabe. H. A.