“On va l'accueillir quand même. Bouteflika va certainement donner à notre wilaya de l'argent pour construire et réaliser de nouveaux projets. D'ailleurs, là où il est passé, le président de la république a distribué des milliards de dinars, alors pourquoi va-t-on manquer le rendez-vous de mardi. Il est prodigue, n'est-ce pas ?”, nous lance naïvement un agent de l'APC de Tipasa, hier, depuis son bull bourré de banderoles et de fanions que ses collègues s'affairent à accrocher dans les principales artères de la ville. Notre interlocuteur, Ammar, qui est en même temps un militant du FLN, nous confie qu'il n'a pas fermé l'œil depuis au moins trois jours. Tous les travailleurs de l'APC sont, dit-il, mobilisés depuis une dizaine de jours pour embellir Tipasa qui accueillera Bouteflika et sa délégation ce mardi. Hier déjà, la ville de Tipasa était parée de ses beaux atours. Avant d'atteindre “le jardin de la capitale”, le simple visiteur remarque tout bonnement des portraits du président de la république fixés sur les poteaux de l'éclairage public. L'automobiliste s'égare dans cette suite de représentations du Président. La peinture est encore fraîche et neuve. Les trottoirs sont nouvellement badigeonnés. Des banderoles accrochées à l'entrée de cette ville côtière sur lesquelles on peut lire notamment : “Bienvenue M. le Président”. Le centre du chef-lieu est pratiquement désert. La circulation est fluide, à tel point que les agents de l'ordre chargés d'organiser la circulation palabrent. Les habitants présents, hier, et n'ayant pas encore rejoint les plages féeriques de Tipasa, s'activent à régler leurs courses. Ils n'affichent aucun intérêt à la visite de Bouteflika prévue pour demain. Un sexagénaire nous prend à témoin et dit : “c'est au Président de descendre mardi au vieux port. C'est mon coin préféré à Tipasa. D'ailleurs, je partirai mardi à Tlemcen. ”Cette indifférence est également constatée du côté des estivants qui préfèrent continuer à passer leurs vacances au bord de la mer. Le désintéressement est total. Entre les vacances et Bouteflika, les gens préfèrent se détendre et se reposer sur la plage. Ambiance inhabituelle L'intérêt et la mobilisation pour cette visite présidentielle qui se veut une précampagne électorale avant l‘heure sont, par contre, affichés du côté officielle, à la wilaya, la daïra et à l'APC. En effet, une ambiance peu habituelle régnait, hier, en début d'après-midi dans les locaux de la wilaya. Le parking est encombré de voitures officielles de la présidence. Les portables ne cessent pas de retentir. Des membres du comité de soutien à Bouteflika s'échangent des propos pour assurer un meilleur accueil au chef de l'Etat. Un opérateur économique, connu sur la place d'Alger pour être un pro-bouteflika, demande aux membres du comité de soutien local de ne distribuer les badges que le mardi à partir de 7 heures aux animateurs de la foule qui remplira les trottoirs des artères. Voulant connaître l'ambiance qui règne parmi les responsables à j-1 de l'arrivée de Boutef, le chef de cabinet a refusé de nous recevoir dans son bureau. Sa secrétaire nous a expliqué qu'il est en pleine séance de travail. “Essayez de repasser demain matin, vous aurez toutes les informations que vous désirez”, affirme-t-elle. La même réponse nous a été, sans surprise, réservée à la mairie. Le P/APC nous lâche à proximité de son bureau : “En ce moment, on met les dernières retouches liées à la visite du Président. repassez demain matin et vous êtes le bienvenu.” À la placette, en face du siège de la commune, un jeune qui répond au nom de Belkacem, s'active à finir la peinture des murs et des troncs d'arbres avec de la chaux et nous lance : “Habituellement, je fais partie de l'équipe de désherbage et de nettoyage. On m'a affecté ce matin à cette placette pour renforcer les équipes de l'APC en place déjà depuis quelques jours. Mais, on terminera sans faute ce soir. À la mairie, on nous a dit qu'une délégation officielle arrivera ce mardi à Tipasa, sans plus.” Des passagers ayant deviné notre fonction m'ont pris à témoin pour exprimer leur indifférence par rapport à cette visite présidentielle : “Une chose est sûre, les citadins ne viendront pas mardi applaudir Bouteflika. Les autorités locales vont tout de même transporter les habitants des villages reculés de la wilaya, de Damous, de Sidi-Ammar, de Menacer, de Aïn Tagouraït ainsi que les enfants des colonies de vacances de Naftal et autres”..Les propriétaires de cafés situés sur l'itinéraire que sillonnera le président de la république craignent que les services de sécurité leur imposent la fermeture. Un gérant d'un salon de thé nous lance : “La journée de mardi sera chômée pour moi. Je me souviens encore, il y a deux ans, les services de sécurité étaient venus, tôt le matin, pour m'ordonner de fermer”. Direction la mouhafadha du FLN. Le premier responsable de l'ex-parti unique au niveau de Tipasa nous a confirmé sa participation à la cérémonie d'accueil du président : “La wilaya nous a invité à l'instar des autres formations politiques. Pour le moment, on n'a pas encore reçu d'instruction de la direction du parti pour boycotter l'accueil.” R. H. Le P/APC RND et la banderole FLN La mairie du chef-lieu de Tipasa n'a pas lésiné sur les moyens financiers pour confectionner spécialement des banderoles, pour la visite du président de la République. À rappeler que la commune est dirigée par un élu RND. Ce dernier s'est permis tout de même de fabriquer des banderoles sur lesquelles sont écrits, entre autres, “La base militante du FLN souhaite la bienvenue au président de la République”. La direction locale du parti de Benflis a-t-elle passé une convention avec le maire pour réaliser des pancartes au nom du FLN ? R. H.