L'aisance financière actuelle semble donner des ailes au chef de l'Etat en matière de dépenses. À l'issue de sa visite à Sétif et à Djelfa, le président de la République aura distribué 10 milliards de dinars, soit 1 000 milliards de centimes. Le chef de l'Etat ne nous dit pas d'où provient l'argent, ni comment sera garantie son utilisation à bon escient. Il avait déclaré lors de sa visite à El-Tarf et à Guelma : “Nous avons de l'argent.” Les nouveaux chiffres des recettes d'hydrocarbures, qui représentent 97% de nos entrées en devises et plus de 70% des recettes fiscales, lèvent un pan du voile sur cette manne que Bouteflika utilise en partie à des fins électoralistes. Au cours du premier semestre 2003, les exportations en hydrocarbures ont rapporté 11,75 milliards de dollars, contre 8,35 milliards de dollars les six premiers mois de l'année dernière. La moyenne des prix du pétrole a dépassé les 25 dollars le baril. Or, le ministère des Finances le rappelle, chaque hausse du prix du brut de un dollar rapporte au Trésor entre 42 et 45 milliards de DA. On estime le surplus depuis janvier 2003 à plus de 120 milliards de DA. La caisse de régulation, instituée pour faire face aux conséquences d'un contrechoc pétrolier et aux besoins de financements supplémentaires tels que les remboursements de la dette publique, et dans notre cas, le plan de relance, pompe ces dinars supplémentaires. La cagnotte est alimentée plus précisément par les surplus fiscaux pétroliers nés d'un prix du baril au-dessus des 19 dollars, seuil auquel s'établit la loi de finances 2003. La caisse avait, du reste, à fin 2002, plus de 250 milliards de dinars de reliquat, c'est-à-dire un surplus à utiliser en 2003-2004. Mais ce qui surprend, c'est que les milliards de dinars distribués à Sétif et à Djelfa semblent anticiper la loi de finances 2004, voire un plan de relance bis. Soit une nouvelle allocation des ressources de l'Etat décrétée sans qu'elle soit approuvée par le Conseil des ministres et le Parlement. À moins que nous soyons à mille lieues d'un état de droit. Le Président décide. Les institutions de contrôle de son action sont là non pas pour assurer une allocation efficiente des ressources publiques mais pour obtempérer. À ce propos, un expert financier a déclaré que “cette attitude du Président est grave”. Ces dépenses pour le développement régional devront, en principe, entrer dans le cadre de la loi de finances 2004. Mais le ministre des Finances aura, sans doute, noté ces nouvelles dépenses. Il va sans doute les inclure dans la loi de finances 2004, a ajouté l'expert. Par ailleurs, le chef de l'état continue de multiplier les signaux contradictoires en direction de la communauté financière internationale. D'une part, il demande, presque à genoux, aux pays les plus industrialisés des prêts et un allégement de la dette pour un montant de 10 milliards de dollars pour faire face aux besoins de la reconstruction des localités touchées par le séisme. D'autre part, en plus d'un matelas de devises de 22 milliards de dollars, le président Bouteflika affiche, dans différentes wilayas, la nouvelle aisance financière de l'état, en distribuant, par-ci par-là, des dizaines de milliards de dinars. Ses propres déclarations risquent ainsi de gêner sa quête initiale d'aides internationales pour alléger le fardeau du budget. Enfin, a-t-on tenu compte dans cette distribution de milliards des communes ou wilayas les plus pauvres ? Jusqu'à preuve du contraire, Sétif est plutôt une wilaya relativement riche. N. R.