Création d'un FLN bis et soumission de l'administration. Le ministre de l'Intérieur ne se gêne pas pour bousculer les lois afin de faire réélire Bouteflika. Portrait. Le ministre de l'Intérieur ne fait pas dans la demi-mesure. La “conscience tranquille” et la “tête haute”, comme il le dit pour ne point paraître troublé par les scandales qui ne finissent pas de l'éclabousser, il continue de sévir pour servir avec un zèle particulier le président de la République qui en a fait un élément stratégique de son projet de se maintenir à la tête de l'Etat. Le projet est si important que Nouredine Zerhouni est gagné par une paranoïa qui lui fait voir des intrus dans tous les recoins de son département. C'est ce qui l'a conduit à mettre fin, de façon abrupte, aux fonctions d'un des plus hauts cadres de son ministère. M. Belhadj est soupçonné de relations suspectes avec la presse qui l'auraient conduit à lui livrer des “fuites” sur le plan de reconquête du FLN par le “clan présidentiel”. Ce plan a conduit M. Zerhouni à mettre en place, de manière tout à fait illégale, une structure dénommée “cellule d'invalidation du VIIIe congrès du FLN”. Elle est composée des plus proches collaborateurs du ministre, dont Mohamed Kandil, le secrétaire général du ministère, partisan zélé de Bouteflika. Comme son nom l'indique, la cellule en question est chargée de réunir les moyens légaux et illégaux censés faire parvenir à l'annulation du congrès qui a eu le tort de ne pas reconduire le soutien du parti à une candidature d'Abdelaziz Bouteflika pour un second mandat. La cellule avait tenu sa première réunion le 11 juin dans une ambiance tendue. Zerhouni commençait par demander l'avis de ses cadres sur les moyens d'invalider les résultats du VIIIe congrès du FLN. Réponse de l'un d'entre eux : selon la loi, une telle sanction n'est possible que si les documents relatifs aux résolutions ne sont pas remis au ministère de l'Intérieur, s'ils sont remis trop tard ou encore s'ils sont incomplets. Après vérification, le FLN se révèle inattaquable sous cet angle. Les nouveaux statuts, le nouveau programme, le procès-verbal de l'huissier sur le déroulement normal des travaux et la liste des nouveaux dirigeants sont bel et bien en possession du ministère de l'Intérieur, remis dans les délais par Abderrezak Dahdouh, l'ancien directeur de cabinet de Benflis au FLN. Le récépissé délivré en échange par le ministère ne permet pas de trafiquer la date de réception pour prétexter un éventuel retard. En apprenant cela, le ministre rentre dans une colère contre le fonctionnaire qui avait eu l'indélicatesse de faire son travail. Ainsi va le pays gouverné par le “clan de Oujda”. Les arguments légaux ayant fait défaut pour invalider le congrès, Zerhouni se transforme en mentor d'une conspiration. C'est là que son SG lui suggère de provoquer une dissidence interne au FLN. Plusieurs fax sont même installés en vue de recevoir les communiqués des contestataires devant servir de base à une invalidation du congrès. Zerhouni terminait alors sa réunion par une mise en garde de ses cadres contre le général Larbi Belkheir qu'il soupçonne de se livrer à un doubl jeu. C'est à la suite de cette réunion que les “dobermans” ont été lâchés sur les mouhafadhas et les kasmas dans une tentative de reconquête qui a tourné au ridicule. Profitant de cette soi-disant contestation, Zerhouni, pris de court par les révélations de la presse, annonçait un examen des résultats du congrès du FLN par son administration. Une autre décision qui méprise la loi. En effet, le ministère n'est pas habilité à s'ingérer dans la vie interne des partis. Mais Zerhouni se découvre soudain l'esprit d'un juriste consciencieux. Il entreprend alors de sonder une disposition de la loi organique sur les partis politiques qui affirme que “l'organisation et le fonctionnement internes des partis politiques se tiennent sur la base de principes démocratiques, en toutes circonstances et dans tous les cas”. Pour avoir revendiqué son autonomie, le FLN est paradoxalement soupçonné d'un déficit démocratique que se doit de corriger Zerhouni. Mais là ne s'arrêtent pas les plans du ministre de l'Intérieur en vue d'obtenir un second mandat de Bouteflika qui lui ouvrirait, à lui, les portes d'une chancellerie qui lui permettrait une retraite douce et tranquille. En plus de vouloir faire imploser le FLN, il s'attelle à soumettre l'administration à son projet. Les fonctionnaires qui ne savent pas courber l'échine devant son autorité sont tout bonnement écartés. Sous le pretexte de faire le bilan de leur action, les walis sont soumis à une “enquête d'appréciation” qui conditionne un prochain mouvement annoncé dans ce corps. On imagine les critères de maintien. Malheur à ceux qui voudraient n'être que des commis de l'Etat tenus par le devoir de réserve et la neutralité de l'administration. R. B.