Opacité, corruption, retard, surcoût et marginalisation des entreprises locales ont été les qualificatifs utilisés par le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), Réda Hamiani, pour évoquer la réalisation des projets d'infrastructures en Algérie. Intervenant à l'occasion d'un séminaire portant sur la stratégie de financement des grands projets baptisée “project finance”, organisé hier à l'hôtel El-Aurassi à l'initiative d'Enhanceal, en collaboration avec la Chambre de commerce et d'industrie suisse, Réda Hamiani indiquera que “notre pays s'est investi dans un vaste programme de réalisation d'infrastructures avec la précision que ce programme a été financé par le Trésor”. Avant de faire remarquer qu'“on aurait dû faire des arbitrages pour laisser la prise de risque aux investisseurs étrangers et soulager ainsi le budget de l'Etat”. Cela constitue le premier regret, dira le patron du FCE, dans la réalisation de ce programme d'investissement. M. Hamiani a également déploré la non-implication des entreprises locales dans la réalisation des infrastructures. Devant un parterre composé de représentants des établissements financiers, à l'image du P-DG de la BEA, du représentant de la Banque mondiale, d'experts nationaux et internationaux et de l'ambassadeur suisse à Alger, Réda Hamiani a regretté que “dans la mise en place de ces projets d'investissement, les entreprises privées ont eu une peau de chagrin, malheureusement”. Et d'interpeller les pouvoirs publics : “Jusqu'à quand l'Algérie aura besoin d'acheter le tout-compris, c'est-à-dire les routes, les barrages et les chemins de fer ?” “On regrette le fait que durant les cinq dernières années, le privé national n'a pasété associé”. “Mais il y a le second plan quinquennal durant lequel nous souhaitons que les entreprises locales soient mises à contribution dans la réalisation des travaux”, dit-il. L'absence de transfert technologique constitue le troisième regret de M. Hamiani. Pour preuve, l'intervenant évoquera la réalisation de pipelines par les entreprises italiennes durant les années 80. “20 ans après, on a fait appel aux Italiens pour la réalisation d'infrastructures similaires”, dit-il, précisant qu'“aucun cadre algérien n'a été formé dans ce domaine”. Pour M. Hamiani, le problème est qu'en Algérie, “nous n'avons pas le réflexe d'exiger qu'une partie de l'ouvrage soit transmise à l'Algérie”. “Ce n'est pas normal que nous n'ayons pas de spécialistes algériens !” lance-t-il encore. Abordant la croissance nationale, le patron du FCE dira que “cette croissance est encore orientée par la dépense publique” avant de revendiquer son ouverture aux entreprises locales. “On aurait aimé que cette croissance soit portée par les entreprises locales”. Evoquant le délai de réalisation des travaux constituant le quatrième regret de l'intervenant, M. Hamiani lancera qu'“on a attendu en 2008 puis en 2009 (…), on a espéré le métro et d'autres réalisations et grands ouvrages que je ne vais pas citer, mais on attend toujours !” Et de noter : “Ces projets accusent un retard dans la réalisation.” “À côté de ces retards, il y a l'opacité et la corruption”, note M. Hamiani. Et d'enchaîner : “Il y a des éléments qui nous renseignent sur les coûts des projets que nous supportons en Algérie.” “Nous payons excessivement cher ces réalisations. Cela nous coûte plus cher que dans les pays comme le Maroc ou la Malaisie”, dit-il, avant de conclure : “Ce n'est pas normal qu'on ne connaisse pas le coût des projets !” Un autre problème de taille est soulevé par l'intervenant : le management des projets. “Nous souffrons énormément de la conduite du management des projets, nous n'avons aucun enseignement en la matière”, dit-il, avant d'appeler les pouvoirs publics à la mise en place d'une expertise nationale en la matière. Ce faisant, M. Hamiani considère que la réalisation des grands projets n'est créatrice d'emplois que de façon temporaire. “C'est la production nationale qui a créé la véritable richesse”, dit-il, avant de revendiquer un plan de relance porté sur la production nationale. Intervenant de son côté, un représentant du ministère des Finances lira le discours devant être prononcé par Karim Djoudi, le ministre. “Tous les programmes de développement que veut réaliser l'Algérie vont induire un besoin de financement important en volume et en nature. Cette question pose la problématique du financement de l'investissement”, dit-il, avant d'évoquer les différents décisions prises dans le but de diversifier le financement des projets : le fonds national d'investissement, le fonds d'investissement par wilaya. Ceci en sus des banques publiques devant participer au leasing. Le ministre appellera les banques à la maîtrise des stratégies de financement “au service de l'économie nationale”.