En définitive, l'histoire fait état de figuration dans nos manuels scolaires. Elle manque de conviction tant elle s'apparente plus à une méthode endoctrinale qu'à un enseignement rationnel et réaliste. En parcourant les manuels scolaires, tous paliers confondus, l'enseignement de l'histoire d'Algérie en général et du déclenchement de la Révolution armée relatif au 1er Novembre 1954 en particulier se fait d'une manière successive certes, mais les leçons d'histoire ou les textes choisis dans les livres de lecture de français et d'arabe ne font que survoler certaines dates n'insistant que sur la symbolique de l'histoire. Ainsi, la méthode choisie pour enseigner cette histoire aux enfants et adolescents ne semble obéir à aucun critère pédagogique établi, car le souci de vulgariser cette mémoire, la rendre accessible et à la portée des élèves ne paraît pas être, ici, le but recherché. Tout est focalisé sur le côté vaillant, héroïque et idéologique de cette lutte armée au détriment d'une lecture rationnelle et logique. L'idéalisation de cette guerre, le sacre de la famille révolutionnaire, l'insistance sur le décompte effarant de martyrs font que l'élève ne retient, en définitive, de cette histoire que certains faits saillants comme la date du 1er Novembre 1954 ou celle du 5 Juillet 1962. L'autre constat saillant de cette lecture des manuels scolaires est que l'enseignement de notre histoire se fait d'une manière insistante à travers des textes poétiques et prosaïques chantant les louanges et la bravoure de la Révolution. À cet effet, le poète Moufdi Zakaria sert de préambule à tous les livres de lecture, tous paliers confondus. D'autres textes racontent aussi littérairement et symboliquement cette guerre en mettant en scène des êtres ordinaires devenus des héros comme dans le livre de lecture de 6e AF qui, en trois pages, raconte l'histoire d'une petite fille de 12 ans devenue moudjahida et qui relate cette guerre sacrée avec la rationalité d'un enfant. Dans le livre de lecture de français de 5e AF, la date historique du 1er Novembre 1954 est racontée à un enfant à travers la pièce de monnaie de cinq dinars qu'il a reçue de son père : “Regarde père, ce n'est pas une pièce comme les autres. Derrière, il y a un homme avec un fusil. Papa a regardé : C'est pour nous rappeler le 1er Novembre… Alors papa m'a raconté une histoire qui parle de courage et de liberté…” Pour l'histoire proprement dite, il n'y a que trois livres scolaires qui relatent les faits d'une manière globale : les deux livres d'histoire de 5e et 6e AF et celui de 3 AS. Le premier revient sur le 1er Novembre 1954 en passant par des dates phares, telles que les manifestations du 11 décembre 1960, la grève de six jours en 1957 et le Congrès de La Soummam. À cet effet, ce congrès auquel on a réservé un très bref texte illustré avec deux photos à peine visibles résume en deux mots cet événement. Il est le premier du genre qui a eu ses assises durant la guerre et que les révolutionnaires ont mis en place une plate-forme régissant la lutte armée pas plus. Le livre d'histoire de 5e année fondamentale est essentiellement constitué de photos légendées par de petits textes. Certaines illustrations sont insoutenables et ne font que ressortir l'esprit d'une guerre sacrée et glorieuse. Le livre se termine par une biographie de 17 martyrs dont Abane Ramdane et c'est là que nous nous rendons compte que l'histoire enseignée manque de véracité et d'honnêteté envers une génération qui a le droit de connaître la guerre et notre histoire relatée par des historiens et non par des idéalistes. Le deuxième livre d'histoire relate des faits antérieurs au 1er novembre : l'invasion des troupes françaises d'Alger, la prise de celle-ci en 1830, la révolution de l'Emir Abldelkader, la colonisation, et s'arrête aux évènements de Mai 1945. En définitive, l'histoire fait état de figuration dans nos manuels scolaires. Elle manque de conviction tant elle s'apparente à une méthode endoctrinale plutôt qu'à un enseignement rationnel et réaliste. N. B.