“Il était une fois Yennayer-Ayrad” a été le thème de la communication faite par M. Bendimerad au cours de laquelle il a mis en évidence le fait qu'il s'agit là “de deux événements couplés portant témoignage de la profondeur du patrimoine historico-culturel algérien et que célèbrent depuis des temps immémoriaux les habitants de la région de Béni Snous, dans la wilaya de Tlemcen, aux confins algéro-marocains”. Yennayer, le nouvel an berbère dont le coup d'envoi, chevauchant le 12 de chaque mois de janvier aurait, selon le conférencier “pour origine la commémoration, en 950 av. J.-C., la victoire du chef numide Chachnak sur les Pharaons (le calendrier à l'aune amazigh serait donc de 2960 ans en 2010)”. Mais il tient à préciser que “cette référence semble peu crédible pour des chercheurs comme Abbès Zizi et Saïd Bouterfa qui, accordant à l'événement une élasticité historique encore plus grande, lient la célébration de Yennayer au rituel agraire en œuvre dans l'espace algérien d'alors, lui-même participant d'un fonds culturel commun à d'autres peuplades méditerranéennes qui voyaient dans le passage au solstice d'hiver un moment majeur de renouveau, de renaissance et d'espérance à accompagner par des rites festifs”. M. Bendimerad souligne que le rite de la fertilité et de la fécondité, en relation avec ce changement de cycle, est notamment exprimé par la manifestation d'Ayrad (le lion), un spectacle tenant du carnaval et du théâtre de rue qui en fait sans doute un exemple unique d'héritage culturel plurimillénaire en Algérie et au Maghreb et l'un des premiers phénomènes du genre dans l'histoire universelle. Le spécialiste du théâtre contemporain explique aussi que dans cette représentation théâtrale à ciel ouvert d'un jeu, voire un enjeu social, mettant en relation des personnages animaliers-dont les masques et accoutrements confectionnés font l'objet d'une belle émulation créative- et des personnages humains (Moqaddem, Charman, Qarmoun…), on observe ici la survivance d'une figure à l'origine porteuse du sacré ou surnaturel païen (le charman ou sorcier africain) mais dont la fonction a été adaptée aux normes de la société contemporaine (exorciste, guérisseur, voire médecin-accoucheur), et on imagine ailleurs que le regard porté sur Ayrad a évolué en fonction de la trajectoire historico-civilisationnelle de la société snoussie. Les habitants de Béni Snous souhaitent faire de la manifestation d'Ayrad, arcboutée sur Yennayer, un levier culturel majeur (organisation d'un Festival national) pour impulser le développement touristique de leur région sertie dans un site géographique magnifique.