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Entre freins techniques et culturels
Essor de la carte de paiement et de retrait
Publié dans Liberté le 25 - 01 - 2010

Un système monétique efficace fonctionne en temps réel, ce qui est loin d'être le cas en Algérie.
Approché à ce sujet, M. Mustapha Mekidèche affirme que “le problème de la monétique n'est pas un problème technique, mais un problème de réformes. Réforme des mentalités surtout. Allez demander seulement une facture et vous verrez. Tout le reste a une solution !”
La principale difficulté, pour l'heure, réside dans le manque de confiance des usagers dans les DAB et la sécurité des opérations. D'ailleurs, le DG de la Satim l'avouait dernièrement sur la Chaîne III : “La monétique exige une gestion en temps réel, mais ce n'est pas facile. Les plateformes ne sont pas mises à jour régulièrement.”
En effet, la plupart des difficultés réside dans l'absence de sécurité des transactions bancaires, comme l'assure un expert en monétique : “Lorsque vous retirez de l'argent dans une agence bancaire où vous disposez d'un compte, vous présentez un chèque avec la somme désirée. Le guichetier consulte votre compte, pour savoir si oui ou non, il est suffisamment approvisionné. S'il l'est, il vous donne la somme demandée, puis la débite de votre compte. Un DAB est une machine à laquelle vous présentez une carte. Le DAB vous demande de vous identifier grâce à votre code. Vous demandez à retirer de l'argent. La machine ira s'adresser au serveur de la Satim pour y consulter un fichier, le vôtre, vieux de 3 jours. L'opération n'est pas réalisée en temps réel et les banques ont raison de tout faire pour se protéger. Vous pouvez disposer d'un milliard en banque, mais vous ne pourrez pas retirer plus de 10 000 dinars à partir d'un GAB, et cela est dû à l'absence d'interconnexion du réseau bancaire et du non-renouvellement des données du fichier clients en temps réel”.
500 000 cartes interbancaires ont été distribuées en 15 ans ! Comment arriver à convaincre les usagers de se doter d'une CIB, et atteindre un chiffre global de 1 million de CIB fin 2010 ?
500 000 cartes
distribuées en 15 ans !
Au cours d'une rencontre sur la monétique, qui s'est déroulée à la mi-décembre de l'année écoulée, le délégué du ministère des Finances s'était inquiété de la modernisation du système de paiement dont il fallait “transformer de fond en comble l'architecture”, en arrivant à faire bénéficier l'ensemble des usagers réels et potentiels des services d'une télé-compensation efficace et rapide.
Ce qui signifie en clair que ce n'est pas encore le cas aujourd'hui. Globalement, cela signifie que les objectifs à court et moyen terme consistent à encourager le recours à des instruments de paiement autres que fiduciaires, avec le développement de moyens de paiement innovants dont la carte de paiement qu'il faudra privilégier. Quant au ministère des Postes et TIC, son ambition est de développer le rôle de la monétique dans son projet e-Algérie, le e-commerce et le e-banking aux horizons 2014, grâce à des liaisons hybrides alliant les lignes spécialisées par câble X 25 et l'interconnexion VSat.
Les DAB et autres guichets automatiques constituent des progrès, mais il reste néanmoins beaucoup à faire avant d'espérer atteindre des niveaux acceptables en e-commerce et payement électronique. Toutefois, l'espoir est mis dans les services en ligne qui seront bientôt mis à la disposition des usagers.
Il ne faut pas perdre de vue que les moteurs de développement des TIC et de la monétique sont l'e-banking et l'e-business, ainsi d'ailleurs que les TPE, le paiement automatique et le développement du Web. Ce sont là de nombreux chantiers potentiels pour la création de millions d'emplois spécialisés. Mais avant toute chose, il est essentiel d'implanter Internet haut débit, en renforçant la qualité du service, en le rendant disponible et sécurisé. Pour cela, il est nécessaire de renforcer les compétences humaines afin de favoriser la naissance d'un environnement de confiance apte à développer la monétique et les TIC. Selon les responsables du ministère des Postes et des TIC, avant de songer à mettre en place un système monétique, il est essentiel de sécuriser les transactions, en les cryptant par exemple, de même qu'il est vital de protéger l'information privée concernant les citoyens.
Le chèque contre la monétique
La Satim, quant à elle, se trouvant au carrefour de 8 banques publiques, est responsable de la gestion monétique interbancaire, ainsi que du chèque normalisé. “Elle s'attache à développer les moyens de paiement électronique, des cartes interbancaires de paiement et de retrait (CIB) et surtout de l'interopérabilité globale entre l'ensemble des acteurs, de la Banque d'Algérie et d'Algérie Poste. Elle vise l'amélioration de l'automatisation des transactions, la rapidité des échanges, l'économie des flux financiers en réduisant les délais et les coûts et même l'usage du papier”, selon Mlle Benkritly, DGA de la Satim. Jusqu'ici, la Satim n'émet pas les cartes de paiement et ne démarche pas les commerçants. Si des progrès ont été réalisés depuis la première carte à puce émise en 1997, alors qu'en 2008 les premiers TPE ont été connectés, il est question, pour bientôt, de mettre en circulation les cartes Visa International et Mastercard avec la carte CIB. Il n'existera plus qu'un seul type de TPE, quelle que soit la banque du commerçant. Jusqu'ici, il n'existe que 500 000 cartes de débit, mais pas de cartes de crédit car les 3 millions d'opérations par an en moyenne sont orientées sur le retrait d'argent principalement, selon la responsable de la Satim, déjà citée plus haut. Le parc algérien en DAB et GAB compte 1 300 unités. On constate un faible taux de bancarisation, même s'il est par ailleurs le plus élevé du Maghreb, car on continue à réaliser la plupart des échanges commerciaux en cash, alors que la carte est utilisée dans les retraits uniquement. “Il est essentiel d'encourager les banques pour qu'elles mettent en place un département monétique. Si l'agence bancaire ne joue pas le jeu, on ne pourra pas placer de carte ou de TPE”, énonçait, au cours de la rencontre sur la monétique de la mi-décembre, Mlle Benkritly qui notait qu'on devrait songer à une segmentation plus fine des porteurs de cartes. Satim compte émettre 1 million de cartes à fin 2010, démarcher 10 000 commerçants et lancer l'e-paiement. La réservation électronique mise en place à Air Algérie sera fonctionnelle en février 2010, selon le DG de la Satim, alors que les cartes Visa seront disponibles dès juillet 2010, toujours selon la Satim. Par ailleurs, seuls le CPA, la BDL et la BEA souhaitent émettre des cartes Visa. Les banques étrangères opérant en Algérie pourraient plus facilement émettre ce genre de cartes puisque leurs maisons mères sont reliées aux réseaux Visa et Mastercard. Progressivement, ce mode de paiement électronique sera étendu aux factures téléphoniques et autres redevances Internet, au paiement par carte de crédit dans les stations essence Naftal, au niveau des péages autoroutiers ou des stations de métro.
Algérie Poste dispose d'un socle de paiement de masse qui représente un atout stratégique, avec un taux de bancarisation de 12 millions de CCP et de 4 millions de comptes Cnep, pour ses 3 300 bureaux de poste à 98% connectés au réseau informatique (IP/X 25). C'est Algérie Poste qui a, dès le départ, participé à la mise en place du switch technique avec la Satim en vue d'atteindre l'interbancarité. “C'est bien de normaliser, mais il ne faut pas que la normalisation devienne un facteur de blocage”, affirme un responsable d'Algérie Poste.
Si environ 1 million de prélèvements sont réalisés par an chez Algérie Poste au bénéfice d'usagers, désirant payer leurs factures d'électricité, d'eau ou de téléphone, des craintes persistent quant à la fiabilité de ce type de prélèvement. Par ailleurs, il ne faut pas que le GAB remplace le guichet, selon le responsable d'Algérie Poste. Une moyenne de 7 000 à 8 000 DA par jour et par personne est réalisée sur chaque GAB d'Algérie Poste, au nombre de 680 auxquels viendront s'ajouter 200 autres à fin 2010. Un problème de taille continue à perturber la bonne marche de ces machines, les billets détériorés.
L'informel accapare
40% de l'argent en circulation
Daniel Vitse, conseiller en stratégie moyens de paiement auprès du président du directoire de la Banque postale française, est intervenu pour affirmer, entre autres, que le développement trop important du chèque pourrait devenir un frein au développement de la monétique. En France, la monétique a commencé par encourager la carte bancaire destinée
au retrait.
Le premier objectif des banques au départ consistait à désengorger leurs services en réorientant leurs personnels vers des fonctions plus importantes que la distribution de billets. “L'interbancarité est la clé du succès de la monétique”, selon Daniel Vitse qui ajoute que “la relation entre le DAB, le commerçant et son TPE et le porteur de carte doit être sous forme de flux continu, sinon le commerçant oubliera qu'il possède un TPE, ainsi que le porteur de carte d'ailleurs”. Selon le conférencier, un contrat qui obligerait le commerçant à accepter les cartes de paiement devrait être mis en place, alors que tous les DAB devraient être accessibles à toutes les cartes de toutes les banques. Une question s'impose : est-il nécessaire que le bénéficiaire d'une carte de paiement (CIB) dispose d'un revenu élevé ? En plus des freins d'ordre culturel, dont fait partie l'usage du cash qui favorise l'économie informelle, il faudra lutter contre la mentalité des commerçants qui rechignent à accepter le paiement par carte. Il a fallu près de 30 ans en France pour que le système de paiement actuel arrive à ce qu'il est, soit 25 ans de déclin du chèque. C'est tout ce temps qu'il a fallu pour qu'il soit possible à un porteur de carte de retirer de l'argent n'importe où, à n'importe quelle heure. Mais pour capter la confiance des usagers, il est essentiel que des cartes perdues ou volées soient renouvelées très rapidement, et que s'installe la confiance vis-à-vis du système d'indemnisation rapide et conséquente à des coûts acceptables des usagers, ainsi que des commerçants.
Il faudra aussi viser la facilité et la simplicité ainsi que des coûts adaptés aux services perçus par les utilisateurs, pour convaincre les gens. Des problèmes tels que les billets anciens ou détériorés, les faux billets ainsi que bien d'autres éléments doivent être traités dès la mise en place du système monétique.
Pour convaincre les usagers en
France durant les années 1980, des sommes colossales ont été dépensées
en communication massive institutionnelle, incitative, éducative et différenciée visant les commerçants et les usagers. Mais il faudra viser une disponibilité de 100% dans l'approvisionnement des DAB en billets, la disponibilité des TPE à placer chez les commerçants. Ces opérations doivent impliquer les réseaux bancaires, établissements et agences, ainsi que les technico-commerciaux sur le terrain en vue d'assister les commerçants.
Autant dire qu'en Algérie, l'informel dispose encore de beaux jours devant lui, et qu'il n'est pas près de collaborer à la mise en place d'un système monétique fiable qui ira nécessairement à l'encontre de ses intérêts.


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