Les marchés font étalage d'une certaine profusion de légumes. Cela veut-il dire également abondance ? Le consommateur regarde les éventaires plutôt comme une richesse inaccessible. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, à côté des produits maraîchers s'exposent des végétaux comestibles dits sauvages. Certains y voient une résultante des prix prohibitifs. Sans spéculer sur ce retour au jardin du Bon Dieu comme le traduit le bon sens populaire, on peut distinguer plusieurs types d'amateurs de ces produits, mus par la nécessité, la tradition et la recherche des goûts oubliés. Il est toujours bon de rappeler qu'à force d'avoir servi à endiguer les disettes, les produits du potager naturel ont fini par être frappés du sceau de la misère. À l'ère du prêt-à-manger, il paraîtrait même inconvenant qu'ils figurent dans un menu. Confinés aux tables familiales qui les arborent encore, on en a oublié les vertus nutritionnelles et médicinales dont elles ne manquent jamais. De quoi plaider pour leur réhabilitation. Les mauves font partie de celles-ci ; la khobiza dite également khobeiza, b'qol, amjir dans différente région du pays. C'est la Malva sylvestris des botanistes vulgairement appelée mauve. Cette herbe comestible aux bienfaits alimentaires et phytothérapeutiques favorise le transit intestinal et constitue un excellent adoucissant pulmonaire, et est très commune dans les champs. Plante annuelle, c'est surtout à l'automne qu'elle est appréciée. La consommation de ce légume — c'en est un — est surtout appréciée dans le terroir oranien. Dans le reste du pays, son usage est moindre et tend à disparaître. Dans ses Chroniques algériennes, A. Camus, dans un émouvant récit sur la disette qui frappait la Kabylie dans les années 1930, nous a laissé un témoignage sur l'usage des mauves dans la région : “Le menu ordinaire de sa famille se compose d'une galette d'orge et d'une soupe faite de tiges de chardon et de racines de mauves.” Aujourd'hui, cuisinées autrement, les mauves ont pris le statut de délice et s'accompagnent toujours de pain d'orge. La khobeiza était connue et appréciée des anciens : Cicéron, dans ses Epitres, rapporte qu'un ragoût mauve dont il avait abusé le punit par une diarrhée qui dura dix jours ; quant à Horace, dans ses Odes, il jure qu'il se nourrit d'olives, de chicorée, de mauve… RECETTE Pour 6 personnes Ingredients : - 4 bottes de khobiza - 12 olives noires - 4 gousses d'ail grossièrement hachées. - 1 piment sec (sasafinda) débarrassé de ses graines et concassé - 4 cuillerées à soupe d'huile d'olive - 1 feuille de laurier - Sel, poivre. Préparation : Laver à grande eau la khobiza, faire égoutter, puis hacher menu. Passer à la vapeur dans un couscoussier environ 15 m. Faire chauffer l'huile, 2 à 3 m. dans une casserole ou un faitout, réduire le feu et commencer par y faire revenir le piment, l'ail, les olives et la feuille de laurier 2 à 3 m. Puis verser la khobiza par dessus. Bien mélanger, couvrir et laisser mijoter à couvert 7 à 8 m. La préparation se mange chaude, tiède ou froide, comme un hors-d'œuvre ou à l'algérienne en mignardise, accompagnement de tout le repas, avec du pain d'orge de préférence. Momo [email protected]