Agressée il y a quelques jours, Rayhana, qui semble avoir retrouvé le moral, exprime dans cet entretien sa reconnaissance envers les marques de soutien qui ont suivi son agression, tout en faisant certaines confidences sur son rapport à la scène et à l'Algérie. Liberté : Quelques jours après votre agression, avez-vous retrouvé le moral ? Comment ça se passe pour vous actuellement ? Rayhana : Oui, oui. Ça va mieux. C'est vrai que j'ai mis du temps pour m'en remettre, mais grâce à de nombreuses marques de sympathie, de soutien aussi bien de la part d'artistes, de femmes, que d'hommes politique français, de toutes tendances, ainsi que des milliers d'anonymes d'Algérie, de France et de plusieurs autres pays et continents, le moral est vite remonté. Avez-vous reçu quelque soutien de la part des autorités algériennes : ambassade, consulat général ou directement d'Alger ? ll Je ne sais pas, car je n'ai pas encore eu le temps de lire tous les e-mails et lettres de soutien que j'ai reçus. Mais j'ai ouï-dire que le Centre culturel algérien aimerait nous programmer. Rien d'officiel encore. Vous avez fait vos premiers pas de comédienne en Algérie, au Théâtre régional de Béjaïa. Pouvez-vous nous évoquer cette période ? ll Mes plus belles années, mes plus belles rencontres et surtout ma plus belle école, avec une équipe passionnée et soudée où régnait l'amitié. Nous vivions dans les loges, au sous-sol du théâtre, avec la scène au-dessus, où nous répétions, jouions et récoltions les applaudissements d'un public béjaoui extraordinaire, qui nous a soutenus et aimés. Et je pense avec émotion, tristesse et amour à mon maître, Malek Bouguermouh, à mes camarades et amis, Mohamed Fettis, Mourad Messabih et Zahir Derwiche, qui nous ont tragiquement quittés en laissant un énorme vide dans le théâtre et dans nos cœurs. Il y a une autre période de votre vie en Algérie que j'estime très importante, même si elle relève plutôt de votre vie privée : la naissance de votre fils Azzedine que vous avez ainsi prénommé en hommage au regretté Azzedine Medjoubi… ll Azzedine Medjoubi, mon ami et mon autre maître dans l'art du théâtre, lâchement assassiné par des ignorants obscurs au nom d'une religion que je ne connais pas. Oui… J'étais enceinte quand je jouais dans sa dernière création l'Ahouinta. La veille de son assassinat, il m'avait appelée pour me demander des nouvelles de mon gros ventre… Au TNA, le jour de l'enterrement de son père et de sa petite voix timide, Badr'Eddine, le fils cadet d'Azzedine, demande au père de mon fils à propos de mon ventre : “Tonton Kiki, si c'est un garçon, comment le nommerez vous ?” Et Kiki sans hésitation : “Azzedine !” À mon âge, je me cache encore pour fumer, la pièce que vous avez écrite et dans laquelle vous jouez, a eu un grand succès avant même votre agression. À quoi est due cette réussite ? ll Je ne me suis pas autocensurée. Telle que je vous connais, vous devez déborder de projets… ll Un long métrage adapté de mon texte produit par Michel Gavras. Je finalise l'écriture d'une pièce qui s'intitule provisoirement Errance de femmes, ou en algérien Hotti redjlik fel ma yeberdou. Pour conclure, vous devez bien avoir un message à passer ou un commentaire ? ll Je laisse mes personnages s'exprimer à ma place. Voici le texte de la fin de ma pièce : Voix off de Nadia : “Je refuse d'échanger ce monde contre un autre en noir et blanc, sans saveur ni odeur ! Un monde d'intolérants et d'ignorants. Vous auriez eu le pouvoir, vous me pendriez sur la place publique, et vous seriez là, euphoriques, à acclamer ma mort. Je suis laïque et je mourrai laïque, vos républiques islamiques sont inéluctablement vouées à l'échec !”