Une enquête préliminaire a été ouverte au niveau la section antiterroriste de la brigade criminelle après l'agression de la comédienne algérienne Rayhana. Les enquêteurs ont « de fortes suspicions » sur un lien entre cette agression et la pièce jouée par la comédienne qui traite de la situation des femmes algériennes. Rayhana, 45 ans, a été placée sous protection policière. L'actrice a été agressée et aspergée d'essence mardi soir, alors qu'elle se rendait à la Maison des Métallos (11e arrondissement de Paris), où se joue sa pièce. A deux pas du théâtre, il y a une mosquée réputée intégriste. Déjà, le 5 janvier, Rayhana avait été menacée. « Deux hommes m'ont traitée dans la rue de putain et de mécréante. » « Dans ce texte, il y a une vraie liberté de ton pouvant peut-être déranger certains hommes musulmans », estime le directeur de la Maison des Métallos. Rayhana a expliqué avoir situé « cette histoire à Alger parce que c'est ma culture ». « Je parle de femmes que je connais, d'une culture que je connais, mon propos ce sont les femmes en général », a-t-elle ainsi précisé. Son agression a suscité une vague d'indignation. Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, lui témoigne « tout son soutien et sa sympathie », la secrétaire d'Etat à la Ville, Fadéla Amara, déplore : « Cette agression nous rappelle, malheureusement, que la lutte pour l'émancipation des femmes et contre l'obscurantisme est toujours d'actualité. » Elle a déclaré être décidée à poursuivre les représentations de sa pièce pour montrer à ses agresseurs qu'elle n'a « pas peur d'eux » dans un pays « où il y a une liberté d'expression ». Mohamed Sifaoui, journaliste et réalisateur, a affirmé : « J'ai appris avec consternation mais – je l'avoue – sans surprise l'agression lâche que vous avez subie au niveau de la rue Jean-Pierre Timbaud. Je ne suis point surpris puisque je fus moi-même agressé (à deux reprises) dans cette même rue et cela fait plusieurs années que je tente à travers mes travaux journalistiques d'attirer l'attention des pouvoirs publics et de la société sur ce quartier laissé entre les mains de fanatiques barbares qui font la loi sur ce territoire de la République française (l'est-il encore ?) ». Selon lui, « ce genre d'actes ne saurait se suffire de quelques mots de compassion et de solidarité fussent-ils des plus sincères ». L'association Ni Putes Ni Soumises a réagi dans un communiqué : « A l'heure où certains n'ont pas le courage d'agir contre l'obscurantisme, Rayhana, une comédienne algérienne, a été aspergée d'essence mardi soir devant la Maison des Métallos (XIe) par un individu avant de lui jeter sans succès une cigarette au visage. La comédienne joue actuellement une pièce (A mon âge, je me cache encore pour fumer) dénonçant la montée de l'intégrisme qui grignote l'espace public et confine les femmes. Les femmes sont sur le front face à l'intégrisme rampant et sont les premières victimes de leurs attaques. Nous appelons toutes les forces progressistes, les républicains, à soutenir dans les actes les femmes et les hommes qui se battent contre l'obscurantisme. » Elle a appelé à un rassemblement aujourd'hui devant la Maison des Métallos. SOS Racisme s'est dit « profondément choquée et indignée » et a salué « le courage de Rayhana » et des huit autres actrices.