Timidement, un pas en avant, deux en arrière, un débat est déclenché dans les cercles universitaires, dans quelques-unes de nos universités, portant sur le thème du conflit entre la science et l'idéologie, entre le religieux et le politique. Ainsi, une polémique est née autour de la nécessité et le besoin de l'enseignement de la langue hébraïque dans l'Algérie de 2010. Ce débat qui me paraît, jusqu'à maintenant, sans grand courage intellectuel ou universitaire est né suite à l'engagement pris par l'université islamique de Constantine d'entreprendre l'enseignement de l'hébreu à destination de ses étudiants du magistère et aux spécialisés dans “les religions comparées”. Une université islamique enseigne l'hébreu ! Aux yeux des obscurantistes, c'est le cataclysme. C'est le jour dernier ! Nous oublions que l'université restera, par excellence, l'espace du savoir et de lumière, contre l'obscurité intellectuelle et analphabétisme culturel. En 1962, dès les premiers jours de l'indépendance, les Oranais, à l'image de tous les Algériens, passant par des moments d'euphorie, en foule, ont pénétré dans la grande synagogue d'Oran située à quelques centaines de mètres de l'hôtel de ville, non loin du Derb, c'est-à-dire le quartier des Juifs, et à quelques pas de la place Guerguentah, là où l'Emir Abdelkader a mené un de ses combats, et ont brûlé le fonds de sa bibliothèque qui contenait, selon des témoins encore vivants, des milliers de livres et des milliers de manuscrits. Des milliers de documents. Dans cette allégresse historique, les Oranais ne savaient pas que ces livres, que ces manuscrits brûlés ou déchirés et jetés dans les rues et les ruelles constituent une partie de la mémoire collective, une partie de l'histoire de leur ville, de leur pays. Brûler une bibliothèque, même si cette dernière appartenait à un ennemi, ce geste n'est qu'une violation à l'encontre de l'intelligence, à l'encontre de l'écriture de l'histoire. Ce comportement relève de la ruralité intellectuelle et de l'ignorance historique. En brûlant cette bibliothèque de la communauté juive oranaise, les Oranais n'ont fait qu'effacer une page de leur histoire. Ils ont assassiné une partie de leur ville. Même les bibliothèques de l'ennemi le plus farouche nous apprennent beaucoup de choses. Nous enseignent le regard de ce dernier sur soi et sur l'autre. A. Z. [email protected]