Dans le cadre de la manifestation “Carte blanche sur les théâtres régionaux”, l'association El Chourouk pour la culture et le théâtre a ouvert le bal des représentations avant-hier soir au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, avec la représentation de la pièce Moussafer Layl. Cette pièce qui a remporté un prix en 2006 en Jordanie, au cours d'un festival, traite plusieurs thèmes pertinents, mais elle a surtout été portée par la scénographie d'Abdelhalim Zaâboubi et le jeu du comédien Mohamed Frimahdi, qui se coiffe d'ailleurs d'une double casquette puisqu'il est également metteur en scène de la pièce. Moussafer Layl, c'est l'histoire d'un voyageur honnête du nom d'Abdou Abdoun, qui prend un soir un train vers une destination inconnue. On accuse cet homme d'avoir assassiné un homme et d'avoir usurpé son identité, alors un contrôleur entre en scène puis un policier. Ils essaient de l'accuser, de tout faire pour le rendre fou et de lui faire porter le chapeau. Ils sont même prêts à le sacrifier, juste pour trouver un responsable, pour qu'ils prouvent à leurs supérieurs qu'ils font correctement leur travail. Moussafer Layl, c'est aussi et surtout l'histoire de l'identité flottante des Algériens. Représentée scéniquement par la pièce d'identité et critique avec humour et ironie, une jeunesse emportée par toutes les tendances, tous les vents. Une jeunesse qui rejette ses repères et trouve de nouveaux symboles… venus d'ailleurs. Une jeunesse aussi qui ne peut distinguer entre le bien et le mal, et qui se retrouve ballottée entre deux cultures : l'une est une part de son identité et l'autre n'est qu'un mirage. Dans son propos et même scéniquement, la pièce critique la guerre et ceux qui la font, en proposant une projection qui passe en revue les grands tortionnaires et criminels du siècle passé, et même de l'Antiquité. Bien que la maîtrise de Mohamed Frimahdi soit incontestable — car son expérience est riche dans le théâtre, puisqu'il a campé le premier rôle dans l'Attentat et dans l'adaptation de Ventres pleins, ventres creux, de Daniel Boukman — on ne peut pas affirmer cela pour les deux autres comédiens, qui ont eu quelques problèmes à se positionner sur scène. Mais le moment difficile de cette représentation a été les problèmes d'articulation. Mais dans l'ensemble, les comédiens sont à saluer et à applaudir, car ils ont maintenu le rythme et présenté une pièce digne d'être représentée, vu et revu, puisqu'elle ne donne pas de leçons et suscite des questionnements pertinents à l'exemple de “qui sommes-nous et où va-t-on ?”