Ne deviendra pas Français quiconque convolera avec une Française. Avant même la clôture du “Grand débat sur l'identité nationale” et la mise en place d'un dispositif réglementaire pour le port du niqab, Paris a donné un premier signal par son ministre de l'Immigration. Eric Besson a refusé d'octroyer la nationalité à un ressortissant étranger qui obligeait sa femme française à porter le voile intégral. C'est une décision sans précédent dans la patrie de la laïcité. En juin 2008, le Conseil d'Etat avait rendu un arrêt confirmant le refus d'octroyer la nationalité française à une Marocaine portant cet accessoire, en stigmatisant une “pratique radicale de la religion incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française”. Mais, c'est la première fois que la naturalisation par le mariage est refusée pour ce motif, visant ainsi un conjoint pour l'obligation faite à son épouse de porter le voile intégral. “Pour répondre à certaines rumeurs, Eric Besson confirme avoir contresigné et transmis aujourd'hui au Premier ministre un projet de décret refusant l'acquisition de la nationalité française par un ressortissant étranger marié à une Française”, selon un communiqué du ministère. “Il faut refuser l'accès à la nationalité française à tout homme qui impose à sa femme de porter le voile intégral”, a préconisé ensuite le ministre. Il a souligné toutefois qu'il ne prétendait pas régler au travers de ce cas particulier un “problème plus global”. Refusant de dévoiler l'origine de cet homme pour ne pas stigmatiser tous ceux qui sont venus du même pays que lui et qui respectent scrupuleusement la loi, le ministre a évoqué un homme qui dit “très explicitement "je ne crois pas à la laïcité, je ne crois pas à l'égalité homme-femme, ma femme n'aura jamais le droit de se promener sans son voile intégral et je ne serrerai jamais la main d'une femme car la femme est un être inférieur"”. L'acquisition par un étranger de la nationalité française est soumise à un certain nombre de conditions, notamment son “assimilation à la communauté française”, une communauté où la laïcité et l'égalité entre les hommes et les femmes sont des vertus cardinales. En France, où le niqab est considéré comme un symbole de l'Islam radical parfois porté par des femmes et des jeunes filles sous la contrainte du mari ou du père, le voile intégral n'est pas compatible avec ces valeurs, du point de vue même du chef de l'Etat. Nicolas Sarkozy a déclaré à maintes reprises que la burqa et le niqab n'étaient “pas bienvenus en France” où sont concernées moins de 2 000 musulmanes dont nombre de converties. L'assimilation à la communauté française est vérifiée lors d'un entretien individuel que le demandeur doit avoir avec un agent de la préfecture, s'il réside en France, ou du consulat s'il se trouve à l'étranger. C'est, d'ailleurs, les conclusions de cet “entretien préalable” qui a permis à M. Besson de prendre la décision qu'il vient d'annoncer, selon son communiqué. En 2009, selon les chiffres officiels, 108 275 étrangers ont acquis la nationalité française, soit presque autant qu'en 2008 (107 000), des résultats qui placent la France en tête des pays européens pour l'acquisition de la nationalité. Selon un récent sondage, une large majorité de Français (57%) sont favorables à une loi interdisant le port du voile intégral. La décision de M. Besson n'étonnera que ceux qui ne connaissant pas le ministre. Ces derniers mois, il a répété à l'envi le contenu de discussions avec des femmes au Maghreb et en Afrique lors de ses déplacements. “Si la France, berceau de la laïcité et du droit des femmes, cède devant les intégristes, que ferions-nous ?” auraient ainsi supplié ces femmes. Le ministre s'est fait le relais de ces objurgations devant les députés de son pays lors de son audition à l'Assemblée nationale en décembre. “Notre loi pourrait être aménagée pour que le port du voile intégral puisse être assimilé à un manquement aux obligations contenues dans le contrat d'accueil et d'intégration susceptible de s'opposer à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour”, avait-il déjà suggéré. A. O.