Les faux billets de 1 000 DA imprimés en France et en Italie avec du papier destiné à la Banque centrale d'Algérie : l'affaire mise à jour en octobre dernier implique la mafia napolitaine, selon des révélations du quotidien français Libération indiquant que le gouvernement algérien s'est constitué partie civile devant la justice française où il est représenté par l'avocat Rémi Chaine. Liberté s'était alors interrogé sur le silence d'Alger sur ce qui constitue la plus vaste affaire de fausse monnaie de ces dernières années en Europe avec 15 milliards de “vrais faux” dinars volatilisés dans les campagnes de France, soit 150 millions d'euros. L'affaire remonte au 30 novembre 2006 quand arrive à Marseille un chauffeur routier allemand au volant d'un camion de 19 tonnes de papier fiduciaire chargées dans les entrepôts de Louisenthal, en Allemagne. Soit 44 rouleaux de papier blanc, commandés par la Banque d'Algérie à Louisenthal. La marchandise doit servir à imprimer 15 millions d'authentiques coupures de 1 000 dinars algériens (environ 10 euros) chacune. Une poignée seulement de personnes connaît les détails de cette livraison. À 8h, le chauffeur s'apprête à laisser son chargement sur le parking de son destinataire, Sagatrans, la société de transport maritime du groupe français Bolloré qui doit l'acheminer en Algérie. Mais trois types armés à visage découvert assomment le routier, l'embarquent en voiture, s'emparent de sa cargaison. Quelques heures plus tard, tous les véhicules impliqués sont incendiés, le chauffeur relâché, hagard. Jamais pareille quantité de papier de banque n'a été dérobée en France. L'Office central de répression du faux-monnayage à Nanterre, près de Paris, sonne l'alarme, Interpol se mobilise. Il faudra attendre deux ans pour qu'un échantillon réapparaisse : le 28 septembre 2008, à l'aéroport de Marignane, la police saisit 51 millions de faux dinars algériens (516 000 euros), après un contrôle de routine sur les valises de deux frères tunisiens qui s'apprêtaient à prendre un vol Marseille-Tunis. Le soir même, ils passent la nuit en prison, après leur mise en examen pour faux-monnayage. Une première expertise convainc les enquêteurs que le pactole provient du papier de banque braqué en novembre 2006. Le temps passe, et le 21 janvier 2009, la Guardia di Finanza perquisitionne près de Naples une imprimerie clandestine dans le cadre d'une enquête sur le clan Di Pozzuoli, une composante de la Camorra, la mafia napolitaine. Les enquêteurs tombent sur trois rouleaux de papier fiduciaire provenant du chargement de Louisenthal. Leurs investigations permettent de tracer des flèches sur les cartes de la Méditerranée, entre Marseille, Naples et Alger. Des figures du banditisme et des hommes plus respectables apparaissent sur les listings des personnes placées sur écoute. Surtout, une coopération franco-italienne se développe pour surveiller les faits et gestes d'un gros bonnet, Gaetano Beneduce, le propre parrain du clan Di Pozzuoli. On écoute et on photographie le bonhomme lors de ses rencontres dans des cafés de la banlieue de Marseille. Puis, pendant le printemps et l'été 2009, les filatures se multiplient, permettant aux enquêteurs d'entrevoir des réseaux sur une large échelle. À l'automne, trois ans après le vol du papier de banque, les autorités judiciaires déclenchent enfin les premières arrestations en relation directe avec le dossier. Le 21 octobre, à Lyon, les policiers interpellent 14 personnes et perquisitionnent une imprimerie d'où sortent des sacs entiers de billets de 1 000 DA. À l'intérieur, ils saisissent quatre rouleaux provenant du chargement de Louisenthal, entraînant l'ouverture d'une instruction judiciaire dans laquelle l'Etat algérien s'est donc constitué partie civile. Aujourd'hui, 37 rouleaux bivouaquent restent introuvables.