Ils sont venus. Ils étaient tous là. Eux, ce sont ses amis, des artistes qui l'ont connu, côtoyé, d'anciens étudiants, des voisins, sa famille. Ils étaient présents, hier au palais de la culture Moufdi-Zakaria, à Alger pour lui rendre un dernier hommage. Un hommage à l'homme qu'il était, à l'artiste au talent avéré et plus que reconnu. Un dernier sourire. Un dernier salut. Un adieu. À cet effet, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, lui a rendu un vibrant hommage : “C'est un grand peintre qui a porté les couleurs de son art ; descendant d'une illustre famille de créateurs, les Racim, qui ont renouvelé l'art de la miniature au point de susciter l'admiration de nombreux artistes du monde musulman.” Et d'ajouter : “Ali Ali-Khodja, à l'image de son oncle Mohamed Racim, n'était pas homme à s'enfermer dans la tradition ; ouvert au monde, curieux de tout ce qui se créait dans les sciences et la culture, il s'orienta vers la peinture car elle lui semblait la forme d'art la plus à même de transgresser les règles et de vivre pleinement son temps.” Mme Bouchentouf, directrice du Palais de la culture, affirmera à la presse que Ali Ali-Khodja “a laissé son empreinte par sa peinture. C'est un homme charmant, affable. Toujours un mot pour rire. Un homme au grand talent”. Ali-Khodja Ali est décédé dimanche dernier à l'âge de 87 ans des suites d'une longue maladie. Issu d'une grande lignée d'artistes, son oncle n'est que le grand miniaturiste Mohamed Racim qui fut son maître, lui apprenant l'art de la calligraphie et de l'enluminure. Très jeune, il montra un talent très poussé pour les arts plastiques. Doué — ses amis l'appellent “le génie modeste” —, il expose pour la première fois en 1946, remportant ainsi le Prix de la ville d'Alger. Après l'Indépendance, précisément en 1963, il fait partie des membres fondateurs de l'Unac. Poursuivant son parcours, il sera enseignant à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts d'Alger, et ce, jusqu'en 1996. Il formera beaucoup d'artistes plasticiens. Tous les présents étaient, hier, unanimes à dire que c'était un homme au grand cœur. Généreux, il n'a jamais refusé d'aider ou de conseiller. Pour eux, c'est un symbole qui s'en est allé. “C'est un monument de la culture algérienne. C'est un symbole de tous les artistes peintres, l'un des derniers du patrimoine. Il symbolise la culture algérienne à l'étranger comme au pays”, dira Lakhdar Fellahi, DG de l'Oref. Plus le temps passait, plus les souvenirs ressurgissaient. Nom- breux se rappelaient ce côté humain qu'il avait. On l'appelait le “père des artistes”. “C'était un professeur éminent. Il était pour nous un père. Il dégageait beaucoup de sensibilité. On ressentait de la protection auprès de lui”, dira Fateh Chergou (maître-assistant à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts). À 87 ans, le défunt n'avait plus rien à prouver. Son talent a dépassé les frontières. Connu et reconnu, il avait ce don de jouer, de jongler avec les couleurs. On le surnommait aussi le “poète des couleurs”. Il n'y a pas que le talent et la générosité qu'on lui trouvait. Il y avait aussi la sagesse et la curiosité. Ce sont ses anciens étudiants qui le confirmeront. Hassan Chayani (actuellement professeur à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts), dira : “C'est un artiste très sage. Il a été plein de ressources. Il voulait percer le mystère de la peinture. Il voulait aller plus loin.” Hioun Salah (plasticien) abondera dans le même sens : “C'est un artiste incontournable de la culture en Algérie. C'est quelqu'un qui a marqué son temps par son travail. C'est la continuité de la lignée d'une grande famille d'artistes.” L'émotion était là. Les yeux des présents brillaient de larmes retenues. Les gorges se raclaient refoulant des sanglots. À l'image de Valentina Ghanem (plasticienne) qui, en parlant du défunt, n'a pu retenir ses larmes : “Un grand talent s'en va. On ne l'oubliera jamais !” Jusqu'à sa dernière demeure, une grande foule accompagnait le défunt au cimetière de Sidi-Abderrahmane à Alger. Repose en paix. Ta peinture est là pour nous rappeler ton bon souvenir.