Photo : Riad Par Sihem Ammour L'émotion et la tristesse étaient fortement visibles chez les nombreux présents à la cérémonie de recueillement organisée hier matin au Palais de la culture Moufdi Zakaria, afin de rendre un ultime hommage au doyen des artistes peintres Ali Ali-Khodja, dont l'étincelle de vie s'est éteinte dimanche à Alger à l'âge de 87 ans. Artistes, représentants d'institutions culturelles, personnalités politiques et anonymes étaient tous présents pour honorer la mémoire de ce peintre talentueux qui a marqué d'une empreinte indélébile l'art pictural algérien et tous ceux qui l'ont côtoyé de près ou de loin, par sa bonté, son humilité et sa générosité de cœur et d'esprit. La ministre de la Culture, effondrée par la perte de ce grand homme, qui était un patrimoine vivant du monde des arts, lui a rendu un vibrant hommage dans un discours lu à l'assistance : «Ali Khodja vient de nous quitter. C'est un grand homme qui a porté les couleurs de son arts, […] à l'image de son oncle Mohamed Racim, il n'était pas homme à s'enfermer dans la tradition, ouvert au monde, curieux de tout ce qui se créait dans les sciences et la culture, il s'orienta vers la peinture car elle lui semblait la forme artistique la plus à même de transgresser les règles et, du même coup, de vivre pleinement son temps.» Tous les présents s'accordent à souligner les nombreuses qualités artistiques et humaines d'Ali Ali-Khodja, qui a su, sans cesse, renouveler son art et dompter la lumière et les couleurs dans des formes poétiques. Cette poésie qui était aussi l'une de ses grandes passions et une conduite de vie. Abdelhamid Mehri, d'une voix bouleversée par l'émotion confiera : «C'est un ami, un voisin. On a appris beaucoup avec lui : humilité, abnégation dans ce qu'il fait. Il a fait beaucoup. Il a laissé une trace indélébile. C'est une grande perte pour l'Algérie et la jeunesse.» Quant à Nadjet Khedda, elle a déclaré que «c'est quelque chose de très important et de très douloureux, d'autant qu'il était sur les deux versants de la production picturale. A la fois, côté traditions, avec ses miniatures et, côté modernité, avec sa peinture ; il faisait la jonction entre le passé et le présent» Elle a ajouté à propos de l'hommage qui lui est rendu au Palais de la culture : «Ce rassemblement autour de sa dépouille, c'est quelque de tout à fait louable parce que cela permet au monde de la culture de s'approprier les siens et se reconnaître en eux et c'est un geste qui permet la transmission à la jeunesse.» Abdelhamid Arroussi, président de l'Union nationale des arts culturels (UNAC), a également souligné la modestie et la disponibilité du défunt, qui était très actif sur la scène artistique et dont la dernière exposition remonte à l'année dernière avec un nouveau souffle créatif. Abdelhamid Arroussi a rappelé qu'Ali Khodja était membre fondateur de l'ex-UNAP (Union nationale des arts plastiques), il a participé à tous les grands évènements artistiques du pays et a contribué à la formation de générations d'artistes et d'enseignants. A l'arrivée de la dépouille du défunt dans un cercueil recouvert de l'emblème national, un silence religieux régnait sur le Palais de la culture. A tour de rôle, les yeux embués de larmes, les présents se recueilleront un instant en guise d'ultime adieu, alors que d'autres n'auront pas la force de le faire, voulant sans doute garder l'image vivace du poète des couleurs qui a toujours gardé un esprit vif et la jeunesse de l'esprit et de la création. Le réalisateur Rachid Hadj confiera : «Je n'ai pas voulu voir son visage parce que je préfère garder l'image de son vivant. Surtout celle de ses œuvres, de ses couleurs, qui continueront à vivre et a perpétuer son esprit. De son vivant, il ne cessait de me répéter sur un ton humoristique. Allez, ça tourne, ça tourne, parce qu'il aimait le mouvement. Malheureusement, il est un des derniers grands peintres algériens. C'est toute une génération qui s'en va. Espérons qu'il y aura de la relève.» Après la cérémonie de recueillement, le cortège mortuaire a accompagné la dépouille de l'illustre artiste algérien au cimetière près du mausolée de Sidi Abderrahmane pour la cérémonie d'inhumation où il reposera en paix auprès des siens.