Poète n L'artiste peintre Ali Ali-Khodja, décédé dimanche suite à une longue maladie, a été inhumé hier au cimetière de Sidi Abderrahmane (Alger). Il a été accompagné à sa dernière demeure par une foule nombreuse. Un hommage lui a été rendu, hier, au Palais de la culture où de nombreux artistes, notamment ceux qui l'ont connu et côtoyé durant toute sa carrière, se sont recueillis sur sa dépouille avant d'être conduit à sa dernière demeure. Ainsi, Souhila Belbahar, une artiste peintre profondément touchée par la disparition d'Ali Ali-Khodja, un ami, a dit : «C'était une icône, un personnage historique. C'était un artiste qui a été reconnu à l'époque coloniale. C'était un vrai gentleman.» Arslane, un autre plasticien, a souligné : «Il a été mon professeur, j'étais son adjoint, puis son ami». Et d'ajouter : «Jusqu'à cet âge, il s'insurgeait contre la médiocrité. Il était tout le temps critique. C'était un bosseur. Il était gentil, modeste, simple et ne se prenait pas la tête.»Pour sa part, le plasticien Karim Sergoua s'est dit affligé par la disparition d'un des plus grands peintres algériens, une disparition qu'il considère comme une perte. «C'est une grande perte, a-t-il dit, c'était le philosophe, le sage, le poète de la couleur. Sa modestie était exemplaire.»Mme Bouchentouf, directrice du Palais de la culture, a, pour sa part, affirmé à la presse que «Ali Ali-Khodja a, par sa peinture, laissé son empreinte». Et de confier : «C'était un homme charmant, affable. Toujours un mot pour rire. Un homme au grand talent.» Ils étaient présents et nombreux, des amis, des proches, d'anciens étudiants, des artistes et tant d'autres encore, à vouloir lui rendre un dernier hommage. L'artiste peintre Ali Ali-Khodja était connu pour être un plasticien prolifique et novateur, il avait un goût prononcé pour les couleurs subtiles ainsi que pour les tons neufs et composés, il avait la capacité de transformer le réel – ce qu'il voit et ressent – en un modèle esthétique et en un paysage pictural coloré et démonstratif. Il avait le sens de la spontanéité, de la curiosité artistique qui lui avait valu un immense travail dans la peinture. Ainsi, Ali Ali-Khodja, qui était sensible à tout ce qui l'entourait, de l'extérieur comme de l'intérieur, a laissé une œuvre monumentale, unique, riche, authentique. Il a légué un inestimable héritage.Ali Ali-Khodja, dont l'œuvre est dense et profonde, se présentait comme un artiste du renouveau dans la mesure où il a apporté à l'art algérien une pensée nouvelle et productrice, c'est-à-dire prolifique car la carrière du plasticien n'était que travail, recherche et réflexion. La peinture était à la fois pour lui une passion et un besoin de transposer en couleurs ce qu'il percevait et ressentait sur la surface du tableau. l Ali Ali-Khodja se présente à nos yeux, et ce, par les peintures qu'il a réalisées, comme un paysagiste : chaque tableau qu'il peignait était d'emblée l'inscription du vécu, qu'il soit physique, voire géographique, mental et psychique. Qu'il soit l'un ou l'autre, l'artiste avait ce don habile de transfigurer le monde qu'il percevait ou qu'il ressentait en un imaginaire extraordinaire, profond et intense. L'artiste va au-delà du visible ; et au-delà de cette frontière séparant la matérialité du monde et sa dimension éthérée, il nous emmène vers de larges étendues, des lieux situés au-delà du visible. C'est pour cela que le travail d'Ali Ali-Khodja relève de l'abstrait, même si certains tableaux laissent voir des représentations figuratives qui, aussitôt, nous rappellent, par leurs traits quelque peu effacés ainsi que par leurs tracés dilués, le monde tel que nous le connaissons. En outre, les peintures d'Ali Ali-Khodja, des peintures vivantes, pleines d'attrait et de suggestions, sont l'expression juste et manifeste de son «moi profond», ce «moi» par lequel le travail de recomposition et de recréation se fait. Nous découvrons alors avec Ali Ali-Khodja des peintures réalistes dans le sens où elles traduisent une réalité aussi bien extérieure qu'intérieure, mais ce réalisme qui apparaît sous forme de rêve et d'onirisme multiple s'inscrit cependant dans une vue abstraite de sa propre représentation. On croit alors que ces peintures sont le fruit d'envolées lyriques et fantasmagoriques, où le geste rythmé et régulier allait au hasard de l'inspiration, mais en réalité, l'œuvre d'Ali Ali-Khodja apparaît comme le miroir d'une existence, le reflet d'un «moi» en prise et avec soi et avec la vie extérieure. Ali Ali-Khodja reste un artiste créatif, accompli. Son art aussi vaste que profond est structuré, fini.