Le 13 février 1956, le journaliste cheikh Ouarab Hussein a rendu hommage dans le Journal d'Alger à Hadj M'Rizek, qui avait disparu depuis une année. Depuis, silence radio, jusqu'en 2009 grâce à l'initiative de l'association les Amis de la rampe Vallée qui vient réhabiliter l'image d'un artiste parti beaucoup trop tôt et oublié beaucoup trop vite. “L'image du beau gosse ne lui collait pas à la peau. C'était un beau gosse, un dandy, mais il n'était pas que ça. C'était aussi une personne qui avait le culte de la famille et de l'amitié”, se souvient Zoulikha Chaïeb, fille de Hadj M'Rizek. Cet artiste à la voix cristalline et mélodieuse mêlait l'élégance au raffinement citadin, la classe à un sens très aiguisé du rythme et de la perfection, le talent à l'éloquence, la pureté de la voix à la beauté du verbe, l'engagement à un sens développé de la famille et du partage. Hadj M'Rizek rassemblait, en effet, toutes ces qualités. Mais il est mort un peu trop tôt, un peu trop jeune et la nature humaine est oublieuse. Il a donc été oublié. Bien évidemment, les gens continuaient à citer son nom, en écoutant, par exemple, El Mouloudia ou El qahwa el latay, mais ceci se limitait à des soupirs nostalgiques et des vocables mélancoliques,ya hasrah. Aucun hommage officiel et personne pour réhabiliter un artiste dont la voix n'aurait jamais dû s'arrêter.Disparu un certain 12 février 1955, son répertoire a pourtant été repris, notamment par El Hachemi Guerouabi, qui a eu l'honnêteté de rendre hommage à son maître, mais ceci n'a pas été le cas de tous. Il a fallu attendre l'année 2009 pour voir le nom de Hadj M'Rizek réhabilité et son œuvre reconnue, notamment lors du mois de Ramadhan, lorsque l'association, très active, Les Amis de la rampe Vallée, avait organisé un hommage. Aussi, lors de la dernière édition du Festival national de la musique et chanson chaâbi, la soirée de clôture lui a-t-elle été consacrée. À l'occasion du 55e anniversaire de sa disparition, l'association Les Amis de la rampe Vallée a récidivé en consacrant la journée de samedi dernier à la commémoration du 55e anniversaire de la mort Hadj M'Rizek. Dans la matinée, il a été question d'un recueillement sur la tombe d'El Hadj M'Rizek au cimetière d'El Kettar, et l'après-midi a été consacré à la musique à la salle Ibn Zeydoun (Riadh el Feth). Quatre lauréats du Festival de la chanson chaâbi ont agrémenté ce concert-hommage par des classiques, voire des standards du chaâbi, notamment Ya sahib el ghamama, El qahwa wel latay ou encore Selou âala tayeb el adkar. Abdelkader Chercham a clôturé la soirée en beauté. Lors de cet hommage, des photographies de Hadj M'Rizek ont été présentées. Une manière efficace de faire connaissance avec l'homme qu'était Hadj M'Rizek. C'était d'abord et avant tout un nationaliste de la première heure, puisque membre très actif du club algérois, le Mouloudia, dont les exploits sportifs se confondaient souvent avec la question nationale. Hadj M'Rizek a également effectué un pèlerinage, en 1938, une année après El Hadj M'hamed El Anka, et à bord du même paquebot. En plus de son attachement à La Casbah et à ses origines (Azzefoun), il portait toujours la chachia, symbole identitaire et d'authenticité. Demi-frère d'Ahmed Ayad alias Rouiched, mais également du percussionniste Qwihdji, et du joueur de tar, Moh Akli, Hadj M'Rizek appartenait à une famille d'artistes et avait un très grand sens de la famille. Lors de cet hommage, le mandole de Hadj M'Rizek a été restauré et présenté. Un moment d'une rare émotion, et c'est le jeune Youcef Benyeghzer qui a eu l'honneur de jouer quelques notes sur ce mythique instrument. Mais la relève sera-t-elle assurée pour autant ?Grâce à l'initiative édifiante des Amis de la rampe Vallée, le patrimoine de Hadj M'Rizek, jusqu'alors en péril, vient d'être réhabilité ; mais faut-il s'arrêter là ? Sans doute non, d'autant qu'il est question que le pari du chaâbi soit à son décloisonnement et son ouverture sur l'autre. Hadj M'Rizek représentait justement cette ouverture sur la modernité. Il faut juste en prendre de la graine !