Il s'agit de la première commémoration après la disparition de cet artiste, il y a 55 ans. A l'occasion de la commémoration du 55e anniversaire de son décès, l'association «les Amis de la rampe Louni-Arezki» a rendu hier, à la salle Ibn Zeydoun, un vibrant hommage à Hadj M'rizek, un chanteur hawzi, considéré à la fois comme authentique et innovateur. En effet, amis, familles et proches étaient tous là hier pour se rappeler le bon souvenir de ce fils de la Casbah. Interrogée, sa fille a qualifié cette journée commémorant la mémoire de son père, pour la première fois après 55 ans, comme celle de la «résurrection». Son père disparaît alors qu'elle n'avait que 5 ans et pourtant, bien abreuvée des souvenirs de sa mère, sa fille entreprend, en ce moment, l'écriture d'un livre où sera retracée la biographie de ce père qu'elle chérit tant. Son père, un des «rares auteurs compositeurs de son temps, a fait de la résistance à sa manière», nous confie-t-elle. El Mouloudia, en effet, fut le club fétiche de Cheikh M'rizek où il y a assuré la fonction de vice-président en 1937. Aussi, sa fille se rappelle avec émotion les retrouvailles avec ces nombreuses familles de la Casbah, qui se sont rendues, hier dans la matinée, au cimetière d'El Kettar où reposent en paix ses deux parents, un modèle de bravoure et de modernité à ses yeux. Et où une gerbe de fleurs a été déposée sur la tombe du défunt. Aussi, l'hommage donné hier à la salle Ibn Zeydoun fut grand, éloquent et riche en enseignements. Une rétrospective de la vie et du parcours de cet artiste, par l'image, a été animée et interprétée par Abdelkader Bendaâmache, suivie d'un riche débat avec l'assistance. L'hommage comprenait un très beau récital animé pat l'élève de Hadj M'hamed El Anka, Abdelkader Chercham qui reprendra les titres le plus connus de Hadj M'rizek ainsi qu'un récital de chant chaâbi donné par la relève des jeunes lauréats «Premier prix» des festivals de la chanson chaâbi de 2006 à 2009. «Tout le monde l'aimait et l'appréciait. C'était un être jovial et passionné, généreux et affable, sa musique n'en parlons pas!», nous confiera Abdelkader Chercham avant de monter sur scène. «Hadj M'rizek était une personnalité et son oeuvre avait une certaine dimension et authenticité», a indiqué M.Lounès Aït Aoudia, président de l'association «les Amis de la rampe Louni-Arezki», qui a rappelé la grande popularité de cet artiste «d'une grande élégance, très sollicité pour animer les fêtes familiales qui étaient organisées dans la séculaire Casbah». De son côté, Abdelkader Bendaâmèche, musicien, musicologue et par ailleurs commissaire du festival de la chanson chaâbi, a souligné l'apport de Hadj M'rizek par sa façon d'interpréter le hawzi. «Une façon qui lui est propre, tout en lui gardant son authenticité», non sans évoquer «la voix particulière, une voix très limpide, presque cristalline» qui était la sienne. Pour sa part, le musicologue Nacer Eddine Baghdadi révélera que «Hadj M'Rizek chantait un chaâbi msenaâ» (classique), mais son originalité résidait dans le fait qu'il chantait simplement. Il n'était pas «très technique» dans sa façon de chanter et c'est cela le «secret de son succès». En effet, confie encore M.Aït Aoudia, le président de l'association les Amis de la Rampe Louni-Arezki «Cet artiste au talent exceptionnel, ravi à la vie à l'âge de 43 ans, fait partie de la mémoire culturelle que nous nous devons de sauvegarder et transmettre aux jeunes et aux futures générations». De son vrai nom Chaïeb Arezki, Hadj M'rizek, originaire de Kanis (Azzefoun, W.Tizi Ouzou), est né en 1912 à la Casbah. Très jeune, son demi-frère, Mohamed Khioudji, musicien et qui fut son impresario, l'initia à la musique et notamment à la percussion en taquinant tour à tour le tar puis la derbouka (tambour en gobelet) avant de se mettre au chant populaire le chaâbi, puis le hawzi, un style qui se situe entre la musique classique et celle populaire. Il formera ensuite son propre orchestre et entame les enregistrements de plusieurs disques. Après la Première Guerre mondiale, l'artiste qui excellait également dans les genres ´´Aaroubi´´(bédouin) et ´´Medh´´ (chants religieux), poursuivit son parcours artistique avec l'enregistrement des chansons Yarassi noussik et la très populaire El Mouloudia (à la gloire du grand club omnisports d'Alger) dont les paroles ont été écrites par feu Noureddine Meziane dit Cheikh Noureddine (1918-1999), comédien et l'un des animateurs principaux de la radio Chaîne II en kabyle. L'ambiance particulière de Ramadhan allait, à l'instar de nombreux autres chanteurs de chaâbi de l'époque, l'inspirer pour agrémenter les longues soirées aux senteurs de jasmin et d'eau de fleur d'oranger sur les terrasses des ´´Douirates´´ (maisons) de la Casbah et au mythique ´´Café Malakoff´´ situé dans la basse Casbah et dont il était co-gérant, un café resté tellement marqué par l'ambiance chaâbi qu'il devint par la suite propriété de feu El Hadj M'hamed El Anka (1907-1978). Hadj M'rizek avait pour ambition de s'essayer à d'autres genres musicaux et notamment à l'écriture poétique mais ne put aller au terme de son projet. Il mourut dans la nuit du 11 au 12 février 1955 à l'âge de 43 ans et fut enterré au cimetière d'El Kettar. Après 55 ans d'oubli, voilà qu'on parle de lui.