Les conférenciers de la rencontre-débat “Identité nationale, identité coloniale ?”, inscrite dans le cadre de la Semaine anticoloniale, ont souligné hier à Paris la nécessité de “modifier l'imaginaire colonial” et de “déconstruire toutes les idées visant à occulter les pages de l'histoire coloniale française”. L'historien Gilles Manceron, auteur entre autres de Mariane et les colonies, a relevé le phénomène d'occultation de pages entières de l'histoire coloniale française, “qui a débuté au 17e siècle avec une première période fondée sur l'esclavagisme et la conquête des îles à sucre”. La seconde période évoquée par l'historien est celle de la colonisation de l'Algérie, une période très violente, mais encore mal connue par les Français “malgré les très nombreux ouvrages révélant la violence coloniale”. “Le mythe des terres vierges mises en valeur par les colons continue à perdurer et à être porté par une partie de la population qui s'enferme dans l'idée de la mission civilisatrice de la France.” Gilles Manceron a également soulevé le problème de l'administration coloniale française “injuste” qui “faisait fi des principes républicains mis en œuvre en métropole”. Mme Eva Joly, députée européenne et ancienne juge anti-corruption ayant traité entre autres l'affaire “Elf”, a décortiqué le système “Françafrique”, et a mis en exergue “l'imaginaire colonial que l'on retrouve dans les discours de la classe politique française, notamment ceux du président Sarkozy, prononcés à Toulon et à Dakar”. Forte de son expérience professionnelle pour avoir décortiqué les réseaux de la “Françafrique” à travers plusieurs affaires, Mme Joly a estimé que “les paradis fiscaux ont remplacé aujourd'hui les colonies” et que “la colonisation a pris aujourd'hui une forme plus sévère et plus violente basée sur le pillage des ressources naturelles des pays anciennement colonisés et sur la corruption”. “L'affaire Elf m'a permis de comprendre comment un groupe de décideurs et de responsables se sont honteusement enrichis au détriment des populations africaines. Leur appétit était incommensurable tout comme leurs ressources”, a-t-elle précisé. Louis Georges Tin, porte-parole du Cran (Conseil représentatif des associations noires) a parlé, pour sa part, de la question des réparations des crimes coloniaux. Il cite l'exemple de la loi Taubira de 2001 qui a considéré l'esclavagisme comme un crime contre l'humanité. Cette loi, tout en reconnaissant cette vérité, a exclu toutefois toute idée de réparations au profit des descendants d'esclaves. “En revanche, la loi scélérate du 23 février 2003, tout en glorifiant la colonisations prévoit des réparations ne serait-ce morales pour ceux qui s'estiment victimes des processus d'indépendance des années 1960”, indique-t-il. Dans ce contexte, Gilles Manceron a dénoncé le projet de création d'une “fondation de la mémoire de la guerre d'Algérie”, prévue par la loi scélérate du 23 février 2005. “S'opposer à cette création est impératif et une question de l'heure”, a-t-il indiqué.