Les délégués des archs, invités au forum d'El Youm, ont admis le caractère politique de leur mouvement. Il faut avoir le sens de la nuance pour ne pas l'avoir deviné plus tôt. Et comme nous sommes dans un pays où le degré de politisation d'une action se mesure au progrès de ses animateurs en matière de langue de bois, il y a longtemps que les leaders de la mouvance ont commencé à nous donner des gages sur la nature politique du mouvement. Et tant mieux que les choses se clarifient. Même si la sincérité politique est ici gâchée par le flot de sentences creuses : le dialogue n'est pas un tabou; pas de dialogue à genoux pas de dialogue-reddition etc. Les conférences de presse répondent aux conférences de presse, mais honni soit qui mal y pense, c'est convenu que l'Interwilayas seule se prononce sur la proposition de dialogue. Il n'y a donc pas de divergences graves, que des “soubresauts” propres à toute organisation. La sagesse commune aide à faire passer le paradoxe. Ainsi, Abrika a “gelé” sa participation et Ali Gherbi a quitté la CICB accompagné de sa coordination locale d'El-Kseur sans quitter le mouvement ! L'incohérence de la communication est donc autorisée par le recours au conclave interwilayas. Il est même permis aux coordinations de wilaya de se répandre en désaccords, puisque l'accord ultime est structurellement garanti. Chacun, ou chaque groupe de délégués, peut, à l'occasion, s'adresser à l'opinion sans que celle-ci puisse se croire en droit d'enregistrer les dissonances de la cacophonie. Et comme, en plus, beaucoup de représentants des archs ont pris goût à la tribune, ils nourrissent eux-mêmes la confusion. Leur insistance verbale sur la cohésion se chargera de démentir le désordre que nous aurons éventuellement constaté. Dans ce charivari, un délégué de Bouira, aura, à mon sens, lâché, dans une très sereine réplique à la proposition présidentielle de dialogue, le mot qui convient : “La plate-forme est connue, si le pouvoir veut la mettre en application, il n'est pas nécessaire de passer par un dialogue.” Après tout, la mise en œuvre éventuelle de la plate-forme d'El-Kseur saura se faire constater. En déplaçant l'enjeu de la prise en charge d'une revendication vers la question de l'opportunité d'un dialogue, le régime a mis la balle dans le camp du mouvement à moindre frais. Sachant que notre pouvoir est plus prompt à vous convier à table qu'à vous solliciter à la table des négociations, il était attendu que l'invite se solde par un mouvement de compétition et de suspicion qui est à l'origine du remous actuel. Mais peut-être est-il trop tard pour donner des conseils à des “élus” qui se préparent à une vie après la plate-forme. À voir la rapidité avec laquelle certains délégués se sont initiés à la cuisine médiatique, on est loin des messages clairs et distincts du début du mouvement citoyen. L'apprentissage du sophisme a eu le résultat d'ôter au mouvement une large part de son identité forgée par la sincérité et la limpidité de l'engagement originel. Le professionnalisme politique ne sied pas toujours à un soulèvement de masse comme celui du Printemps noir. Et si jeudi, le mouvement connaît sa première impasse que le pouvoir a programmée, il faudra savoir partager avec lui la responsabilité d'avoir, une fois encore, imposé cette constante : la vanité des sacrifices du peuple quand il ne se méfie pas assez de ses élites. M. H.