Bien que conscient des obstacles qui seront dressés sur son chemin par les Moubarak pour l'empêcher de prétendre à la magistrature suprême, l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique ne compte pas rester les bras croisés comme le montrent ses critiques contre le régime. Reçu triomphalement à son retour au pays vendredi dernier, Mohamed El-Baradei n'a pas tardé à montrer ses intentions comme l'indiquent ses déclarations critiques dimanche, sur une chaîne de télévision privée, en direction du pouvoir en place. En effet, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a vivement critiqué le régime de Hosni Moubarak en estimant que son pays devait “changer de voie”. Il semble que son souci premier est qu'un changement se produise en Egypte, comme le laisse penser cette déclaration : “Je suis en train de parler du sort d'une nation et du futur de nos enfants. Je dis que nous avons un problème. Nous devons changer de voie. Il est secondaire de savoir si je prendrais part à ce changement ou non.” Mais ce qui dérange le plus le pouvoir en place, c'est qu'il réclame la “démocratisation” de l'Egypte et le “progrès social” pour ses compatriotes. Certains analystes de la scène égyptienne n'hésitent pas à affirmer qu'il est rentré au pays pour “être l'instrument du changement”. Les nombreux sympathisants, qui l'ont accueilli en scandant “El-Baradei président !” vendredi à l'aéroport du Caire, y croient du moins. En effet, pour beaucoup d'observateurs, Mohamed El-Baradei, prix Nobel de la paix en 2005, constitue le leader le plus crédible pour succéder à Hosni Moubarak. Une élection présidentielle est prévue en Egypte en 2011, mais sa candidature n'est pas envisageable pour la simple raison que les Moubarak ont tout verrouillé. La loi électorale, par exemple, requiert l'appui de 250 élus, dont au moins 65 députés, 25 sénateurs, 10 maires, etc. Donc, il est vraiment difficile pour El-Baradei de trouver un moyen de postuler, car le PND, parti au pouvoir, contrôle tout partout. En outre, le fils aîné de Hosni Moubarak, Gamal, pourrait prendre la succession de son père et diriger le pays arabe le plus peuplé avec ses 82 millions d'habitants. Ainsi, conscient de toutes ces entraves, Mohamed El-Baradei a laissé planer le doute sur sa participation à l'élection présidentielle de 2011, au cours de son passage à la télévision avant-hier. Ceci étant, l'année dernière, de jeunes Egyptiens et des activistes ont adressé une lettre ouverte à Mohamed El-Baradei, lui demandant de se porter candidat à l'élection présidentielle de 2011. El-Baradei avait répondu qu'il ne se porterait candidat que si les élections étaient libres et supervisées par la communauté internationale. En effet, l'engouement est là. Contournant l'interdiction des rassemblements publics, le romancier Alaa El-Aswani, auteur du célèbre Immeuble Yacoubian, a déjà mobilisé plus de 60 000 supporters d'El-Baradei sur Facebook. Surtout des jeunes, las d'être pris en étau entre Moubarak et les Frères musulmans. Son avantage, c'est qu'il est probablement l'Egyptien le plus connu après le président Hosni Moubarak. Mohammed El-Baradei pourrait bien chambouler les plans échafaudés pour la succession du chef de l'Etat, âgé de 81 ans, qui en est à son sixième quinquennat.