L'option de la candidature de l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, à l'élection présidentielle égyptienne de 2011, se précise de plus en plus. Après avoir sondé le terrain de sa popularité et mesuré le capital de soutien et de sympathie dont il jouit dans son pays après son retour en Egypte, l'ancien patron de l'AIEA dévoile un peu ses intentions et ses cartes. Hier, il est allé à la rencontre des citoyens, organisant des sorties sur le terrain qui s'apparentent à une feuille de route de précampagne électorale. Rencontres particulièrement ciblées avec les forces sociales agissantes du pays, en effectuant des visites de mosquées, en prenant langue avec la communauté chrétienne, en s'exhibant aux côtés de célébrités et en prenant son bâton de pèlerin et de candidat inaugurant un cycle de visites dans l'Egypte profonde entamées par la ville populeuse de Mansourah. Un agenda qui indique clairement qu'il n'est pas revenu au pays pour faire du tourisme politique. L'association qu'il a créée, l'« Assemblée nationale pour le changement », rejoint par des célébrités et des figures de proue de l'opposition, s'active pour donner forme et vie au projet politique d'El Baradei. Les ennuis de santé du raïs, qui vient de rentrer d'Allemagne après avoir effectué une intervention chirurgicale officiellement pour une banale appendicite – un diagnostic qui a laissé sceptiques la rue et la classe politique égyptiennes –, ont relancé le débat et les spéculations sur la succession à Moubarak qui part déjà avec un sérieux handicap, celui de l'âge, culminant du haut de ses 82 ans. El Baradei, qui est pour l'heure le seul homme politique du sérail à avoir affiché des ambitions présidentielles et sa volonté de contribuer au changement du régime, n'ignore pas les difficultés constitutionnelles et politiques qui se dressent sur son chemin pour valider sa candidature. Il lui faudra au préalable et en vertu de la Constitution créer un parti politique, ce qui est aléatoire et inopérant à une année du scrutin. Il lui reste alors cette alternative tout aussi hypothétique de se présenter en qualité d'indépendant. Les signatures d'élus exigées pour soutenir sa candidature sont impossibles à réunir, connaissant les réalités du système politique égyptien fondé sur des liens d'allégeance des institutions au pouvoir en place. El Baradei, qui connaît bien les ressorts de la politique pour avoir présidé une importante organisation internationale et côtoyé les leaders de ce monde, se lance-t-il dans un projet qu'il sait utopique ? A-t-il reçu des soutiens et des garanties de cercles influents de l'intérieur de l'Egypte, mais surtout de l'extérieur de la part de grands décideurs, notamment des Américains et des pays occidentaux qui travailleraient dans l'ombre pour assurer la transition au régime de Moubarak ? Bien qu'allié stratégique de ces pays, notamment dans la gestion du conflit du Moyen- Orient, le président égyptien est fortement décrié pour le non-respect des libertés et des règles du jeu démocratique. S'achemine-t-on vers une solution « démocratique » soft, à l'irakienne ou bien encore à l'afghane avec l'intervention militaire en moins ? Hypothèse plausible. Sauf que El Baradei a démontré qu'il n'est pas un Hamid Karzaï en refusant de prendre à son compte la thèse des Américains sur la possession par l'Irak de Saddam des armes de destruction massive qui avaient fourni le prétexte aux coalisés pour envahir l'Irak.