Comme l'illustre cette blague circulant au sein des milieux politiques égyptiens, dans laquelle, en réponse à une question d'un journaliste qui voulait savoir ce qu'il pouvait dire aux Egyptiens pour ses adieux, après sa maladie, Hosni Moubarak a rétorqué : “Pourquoi, le peuple s'en va où ?”, le clan du raïs n'envisage guère de quitter le pouvoir, malgré la multiplication des appels à la démocratisation. Avec le retour au pays de l'ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohammed El-Baradei, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, l'opposition s'enhardit et revendique désormais une plus grande ouverture démocratique de la part du régime Moubarak. Ainsi, hier, l'hôtel Sheraton du Caire a abrité une réunion qui a regroupé les chefs de quatre partis politiques de l'opposition avec pour but de s'entendre sur les revendications à présenter, notamment les amendements à apporter à la Constitution, totalement verrouillée actuellement. Mahmoud Abadha, président du parti Wafd, le Dr Rifaat Saïd, président du Parti du rassemblement, le Dr Oussama al-Ghazali Harb, président du Front démocratique, et Dhiaouddine Douad, président du Parti nassérien, se sont réunis pour peaufiner leur stratégie visant à remettre en cause l'hégémonie du Parti national démocratique au pouvoir. La principale revendication demeure l'amendement de la Constitution, particulièrement les articles qui empêchent toute candidature à l'élection présidentielle sans la caution du parti au pouvoir en raison du nombre de signatures d'élus exigées. En effet, si le PND refuse de cautionner un candidat, nul ne peut postuler à la magistrature suprême à l'exception des membres du parti politique de Hosni Moubarak, contrôlé par son fils Gamal, que l'on annonce comme successeur de son père. Les participants à la réunion d'hier se sont accordés dans leur feuille de route à “refuser le monopole exercé par les personnes au pouvoir pour désigner les responsables à la tête de l'Etat, notamment le président de la République, sans prendre en considération la volonté des autres membres du peuple égyptien”. Ils contestent également “la concentration du pouvoir entre les mains du chef de l'Etat”. Le document qu'ont discuté les quatre chefs de partis politiques insiste sur le fait que “pendant les six dernières décennies, l'Egypte a été incapable d'accomplir la moindre amélioration démocratique à même de permettre au peuple de se prendre en charge à travers son droit de choisir ses gouvernants par sa volonté active, ainsi que son droit de les contrôler et de leur demander des comptes, et les changer dans le cadre des institutions constitutionnelles équilibrées et stables”. Il est également signalé la défaillance de l'appareil politique actuel depuis trois décennies à mettre en branle le développement pour hisser l'Egypte au rang de pays développé. Enfin, les quatre leaders estiment qu'il ne sera pas possible au successeur de Hosni Moubarak d'assumer toutes les prérogatives dont ont jouit les derniers présidents de l'Egypte, d'où la nécessite d'amender les articles de la Constitution inhérents afin d'éviter un effondrement des institutions. En d'autres termes, l'objectif est que le régime égyptien redevienne réellement républicain, avec le rééquilibrage de la répartition du pouvoir et l'élargissement de sa base afin d'aboutir à un équilibre entre les différents pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Reste à savoir maintenant de quelle oreille les Moubarak entendront l'appel de l'opposition, qui ne compte pas rester les bras croisés en ces temps où la maladie et l'âge avancé du président (81ans) lui ouvrent une brèche pour se faire entendre.