“La dernière heure du FLN a-t-elle sonné ?” Ainsi s'ouvre l'éditorial signé par un brillant confrère. “Yarit !” (la belle affaire !), comme on dit en Egypte, ai-je envie d'ajouter. Parce que des clans ont transformé la libération du pays en une prise d'otage d'une nation entière, des générations entières souffrent, depuis quarante ans, d'une impasse nationale entretenue par les égoïsmes de quelques familles. Quand ce n'est pas la torture, c'est le terrorisme ; quand ce n'est pas la répression policière de l'opposition, c'est la violence politique de l'appareil — et parfois dans l'appareil. Sans le FLN, le FIS était-il possible ? Il faut ignorer les dommages mentaux de l'école fondamentale, les préjudices du code de la famille et les ingérences des intégristes égyptiens dans notre intimité mentale pour le croire. L'obscurantisme est arrivé par l'Assemblée nationale, la télévision et l'école du parti unique avant que Abassi et consorts ne s'y convertissent. Si le FLN avait été dissous avant le FIS, ce dernier n'aurait pas eu l'opportunité de tenter de le dépasser par son côté radical. Il faut bien remarquer que le FIS a été dissous non pas pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il a fait : il a emprunté les méthodes du système, faites de fraude et de violence pour le renverser. Les intégristes, plus pactisants, seront appelés à prendre part au pouvoir juste après la dissolution du FIS. Nahnah sera enterré à côté de Boudiaf et Djaballah est convié à se présenter à la présidentielle. On dissoudra autant de choses qu'il faudra pour la survie de l'appareil ; on composera avec autant de traîtres qu'il faut pour la survie du même appareil. Avec les terroristes, s'il le faut. Ce n'est pas une hypothèse ; c'est déjà fait ! La guerre entre “le FLN corrigé et authentique” et “le FLN moderne et autonome” n'aura pas lieu. Ni le 14 août, ni plus tard. Ils se battent pour la même branche, mais ils sont d'accord pour ne pas la scier. Un accord intuitif ou composé, mais vital. L'islamisme, en asphyxiant le combat démocratique, a rendu plus de services au FLN que le FLN lui-même. Si aujourd'hui nous en sommes à prospecter parmi les clans “le bon FLN”, c'est à cause — pour les démocrates — de l'islamisme et grâce — pour le FLN et son système — au terrorisme. L'impératif de rupture a été abandonné par un mouvement démocratique contraint à l'arrangement par la pression islamiste. Le FLN, “réformateur”, en ce temps-là, était du bon côté : c'était aux démocrates de payer leurs prétentions républicaines. Le parti caméléon — puisqu'il n'a d'autres projets que de garder le pouvoir, qu'en importe la couleur — s'improvise la version qui colle à l'air du temps. Se féliciter ou s'inquiéter de l'implosion du FLN est significatif de notre naïveté politique. Aucun patriote, dans le système, ne nous fera ce plaisir… ou cette peine. Ils ont tous besoin du FLN. Plus d'une décennie après l'insurrection démocratique d'octobre 1988, nous assistons justement à une simple bataille de cour dont nous ne sommes, au mieux, que les spectateurs, au pire, les supplétifs. Pour quoi Bouteflika et Benflis se disputeraient l'appareil jusqu'à prendre le risque d'en provoquer l'implosion ? Si le FLN éclatait, ils perdraient l'objet même de la discorde. Chez ces gens-là, on ne se combat tout de même pas pour des idées ! Rassurons-nous, tant que nous leur servons de galerie, d'électeurs et de militants vacataires, le FLN a encore de beaux jours devant lui. M. H.