Les feux des projecteurs se sont éteints mardi sur les jeux Olympiques d'hiver de Vancouver. Place au foot. Les yeux du monde des sports se tournent vers le continent africain où, dans 100 jours, l'Afrique du Sud recevra la manifestation sportive la plus suivie de la planète : la Coupe du monde de foot. Les attentes sont énormes dans un pays qui vient de célébrer le vingtième anniversaire de la libération de son icône Nelson Mandela. Et les résultats de la nation “arc-en-ciel” sont mitigés. 20 ans après la chute de l'apartheid, les ressentiments des Noirs sont encore vivaces. Le township de Soweto est resté tel quel, sauf le lieu de résidence de Mandela transformé en musée. Plus de ségrégation raciale, mais la pauvreté endémique perdure. Pourtant, rien que pour la Coupe, qui aura lieu du 11 juin au 11 juillet, plus de 63 milliards de rands (8,5 milliards de dollars) ont été investis dans les infrastructures du pays. En tout, 10 stades ont été remis à neuf ou construits de toutes pièces dans les neuf villes qui accueilleront le tournoi. L'Afrique du Sud attend 32 équipes et 3 millions de leurs supporters. Des dizaines de routes sont en train d'être élargies. Un nouveau réseau ferroviaire construit par le canadien Bombardier devrait être prêt pour le début de la compétition. L'aéroport international de Johannesburg lui au moins est retapé. Pour héberger les 450 000 touristes attendus, 26 hôtels ont été construits. L'événement a créé 415 000 emplois. Beaucoup à court terme. Mais les critiques pleuvent aussi. Les médias locaux publient chaque jour des articles sur la corruption qui a entouré la construction des stades qualifiés d'aventure sans lendemain par des ONG locales qui se demandent si l'argent n'aurait pas pu être mieux investi dans un pays où près de 40% de la population est sans emploi et où une famille sur deux vit sous le seuil de la pauvreté. Pour couper court aux critiques, les autorités ont décidé cette semaine de réduire le coût des billets des stades trop élevé pour les fans sud-africains. Quant aux médias internationaux, ils n'arrêtent pas de bassiner sur le taux de criminalité, un des plus élevés du monde. Le récent meurtre de l'une des relationnistes de la Coupe du monde à Rastenburg, en plein milieu d'un symposium sur les questions de santé liées à la Coupe du monde, a ajouté aux craintes de certaines équipes européennes, qui ont annoncé récemment qu'elles achèteraient des gilets pare-balles pour leurs athlètes ! “Des pays comme la Grande-Bretagne peuvent regarder dans leur propre jardin, où des enfants de 14 ans en tuent d'autres de 17 ans”, tonnent les responsables sud-africains qui rappellent le succès de la Coupe du monde de rugby de 1995, qui avait donné lieu à de grandes fêtes multiraciales dans les rues de Johannesburg. Le stade phare de la Coupe, baptisé Soccer City, est tout un symbole. Son architecture évoque un pot de terre traditionnel africain. D'une capacité de 87 000 spectateurs, il n'a pas d'équivalent sur le continent africain. Il n'a pas non plus d'égal dans le cœur de millions de citoyens de l'Afrique du Sud : c'est dans cette enceinte que Nelson Mandela a prononcé son grand discours de libération, en février 1990, mettant la table pour les profonds changements à venir. Il reste que les festivités ne seront qu'une parenthèse, un répit dans le pays où des manifestations se succèdent pour demander au gouvernement de tenir ses promesses. Avant, les marches étaient pacifiques, aujourd'hui c'est de plus en plus difficile de maîtriser la colère des Noirs, les manifestations tournent à l'émeute. Se sentant exclus de la nouvelle économie, les plus démunis font entendre leur ras-le-bol avec les moyens du bord. Encore aujourd'hui, ils sont légion. Selon la Banque mondiale, 34% de la population sud-africaine vit avec moins de 2$ par jour. Dans les townships, le taux de chômage dépasse 50%. Et le Black Economic Empowerment, un programme de discrimination positive qui doit faciliter l'intégration des Noirs à l'économie sud-africaine, a montré ses limites. Les Noirs qui comptent pour 75% de la population ont encore beaucoup de rattrapage à faire depuis la fin des mesures ségrégationnistes de l'apartheid.