Après un long silence qui nous faisait oublier jusqu'au nom de l'ambassadeur d'Algérie à Paris, Missoum Sbih a parlé. Une première fois, début novembre devant l'association Reage pour répliquer à la sentence de Novelli, secrétaire d'Etat français au Commerce qui avait déclaré, à propos de la loi de finances complémentaire 2009, que “l'Algérie fait fausse route”. Après avoir trouvé qu'à Paris “on pousse des cris d'orfraie”, l'ambassadeur proclame qu'une telle déclaration “ne respecte pas notre souveraineté et nos choix” et “jette un trouble sur la véritable nature des rapports que l'on voudrait établir avec notre pays”. À cause de cela et de bien d'autres choses, comme la “black list” du Quai d'Orsay, le report des visites officielles annoncées, des pressions faites sur le Mali pour libérer des terroristes d'Al-Qaïda, etc., nous pouvions nous interroger, à notre tour, “sur la véritable nature des rapports que l'on voudrait établir avec notre pays” et, surtout croire qu'il y a une crise dans les relations algéro-françaises. Alors Sbih parla une seconde fois. C'était avant-hier. Pour nous dire qu'”il n'y a pas de crise entre l'Algérie et la France”. Pendant l'intervalle de quatre mois où nous pensions par nous-mêmes, c'est donc nous qui faisions “fausse route”. C'est bien de nous dire ce que nous devons penser de ce qui arrive au pays, mais si seulement on nous le disait à temps. Au lieu de nous laisser faire fausse route pour nous répondre par le démenti, en bout de course, cela nous dispensera de penser. Ainsi, après les plus folles rumeurs autour de l'invisibilité du président de la République, celui-ci s'est décidé à démentir les on-dit de la manière la plus inattendue. Par une “rencontre familiale” dans une résidence d'Etat, couverte par les médias officiels. Nous avons l'habitude d'attendre le démenti qui viendra toujours en temps voulu quand l'impression, récurrente, de vacance de pouvoir se fait insistante. Pour une fois, ce ne sera pas les commentateurs qui auront à confondre le domaine privé du domaine public. Ils auront plutôt à les démêler. Comme ils auront à se débrouiller avec le surplus de message, dont cette phrase de Saïd Bouteflika à l'adresse de Zinedine Zidane : “Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis facilement joignable”. Le propos dépasse l'objet tacite de l'opération médiatique. Il s'avère coûteux en communication puisque, loin de nous aider à faire la part de l'institution et de la famille, il surcharge un dialogue pouvoir-société déjà subliminal. Au lieu d'informer sur la vie institutionnelle, le démenti comme mode de communication, parfois empreint de bravade, tend à prendre des allures de simple désaveu de la vox populi. La vie nationale ressemble à une longue suite d'errements de gouvernance ponctuée d'intermittentes mises au point à l'adresse d'une opinion ordinaire qui, parfois, s'aventure à se faire sa propre idée de l'état de la nation. M. H. [email protected]