Trois mois après la fin de la guerre en Irak, la lutte d'influence entre Paris et Washington en Algérie s'accélère. Si l'intérêt de la France pour notre pays ne date pas d'aujourd'hui et peut s'expliquer par des raisons historiques, géographiques et politiques (plus de deux millions d'Algériens vivent en France), celui des Américains apparaît beaucoup plus opportuniste et semble s'inscrire dans un contexte bien particulier, celui de l'arrivée, il y trois ans, au pouvoir à Washington, des néo-conservateurs. La lutte contre les réseaux islamistes internationaux et les récentes tensions apparues entre la France et les Etats-Unis sur le dossier irakien ont amené les théoriciens de la nouvelle politique étrangère américaine à considérer, désormais, l'Algérie comme un élément essentiel de leur stratégie dans le monde arabe et en Méditerranée. Pour les Américains, l'Algérie a, en effet, des atouts certains : proximité avec l'Europe et l'Afrique noire, une bonne expérience en matière de lutte contre le terrorisme islamiste… Contrairement au Maroc dont les liens très forts avec la France et sa forte dépendance économique et financière à l'égard de l'Europe font de lui un pays définitivement acquis à la cause des Français. L'Algérie, dont l'économie dépend essentiellement du pétrole et qui entretient des relations toujours ambiguës et difficiles avec l'ancienne force coloniale, apparaît, aujourd'hui, aux yeux des Américains, comme un pays avec qui Washington peut espérer développer des relations privilégiées. Dès son arrivée au pouvoir, en avril 1999, le président Bouteflika avait tenté de faire de la concurrence entre Français et Américains en Algérie, un des axes prioritaires de la diplomatie algérienne. Mais, à cette époque, les démocrates au pouvoir et Bill Clinton ne voyaient qu'un intérêt stratégique limité à développer des relations privilégiées avec les Algériens. Surtout qu'une telle initiative aurait sans doute fait réagir vivement Paris qui considère l'Algérie comme sa zone d'influence naturelle. Pour les démocrates américains, l'Algérie n'était qu'un pays pétrolier qui offrait des perspectives intéressantes aux groupes américains. Mais la victoire, en novembre 2000, des néo-conservateurs à la présidentielle, les attentats du 11 septembre 2001 et, plus récemment, la guerre en Irak, ont radicalement changé la donne. L'Algérie est désormais considérée par les Etats-Unis comme un partenaire essentiel dans la lutte contre le terrorisme islamiste international, avec lequel Washington veut à présent renforcer ses relations. Abdelaziz Bouteflika a été reçu deux fois à la Maison-Blanche par George W. Bush, et les deux hommes devraient se rencontrer une nouvelle fois, en octobre prochain, à New York, en marge de la session annuelle de l'ONU. Les deux hommes devraient, notamment, évoquer la construction d'une base militaire américaine en Algérie. Cette évolution des relations algéro-américaines est suivie avec une certaine inquiétude par Paris. Les Français savent que les Américains veulent leur faire payer chèrement leur position contre la guerre en Irak. Et l'Algérie, que les stratèges américains qualifient de “talon d'Achille de la France” offre à Washington un moyen de pression de qualité sur Paris. Dans cette bataille feutrée, la position du président Bouteflika est déterminante. Les Français, contrairement aux apparences, se méfient beaucoup du chef de l'Etat algérien. Avant la guerre en Irak, l'Algérie n'avait-elle pas adopté une position ambiguë sur le dossier, avant que le président Bouteflika, pressé par Jacques Chirac, ne décide à la dernière minute de rallier timidement le “camp de la paix” ? N. L.