Au Parlement, nombre de députés préfèrent camper dans le mutisme par rapport à cette question qui interpelle toute la société. Pendant près d'une semaine, nous avons harcelé les représentants des partis dits d'opposition, afin de leur proposer de répondre à quelques questions et ainsi leur offrir une tribune dans notre journal, sans résultat. Nous avons consulté l'excellent travail réalisé par la revue Naqd, sous la direction du professeur Daho Djerbal intitulé “Corruption et prédation”, qui avait regroupé au cours d'une rencontre fin 2008 à l'université de Bouzaréah plus d'une douzaine de chercheurs. L'une des intervenantes, sous l'intitulé générique “Corruption, Rente de Monopole et Clientèles”, Anastassiya Zagainova, avait exposé “les défis de la corruption dans les pays en transition”, en illustrant ses propos par l'exemple du bloc soviétique qui avait encouragé une économie axée sur la pénurie. Dans les pages 16-17 de la revue Naqd n°25, Anastassiya Zagainova énonce que “les oligarchies post-soviétiques étaient insérées dans les réseaux et la structure sociale, et elles se caractérisaient par une forte concentration d'actifs économiques (…). Une grande concentration économique est rendue possible du fait de l'existence de ressources naturelles, comme le pétrole, le gaz ou les minéraux (…)”. À la page 18 “la corruption politique systémique est souvent le mode de fonctionnement de la majorité des régimes non démocratiques”. La dernière campagne de renouvellement au Sénat a donné lieu à des comportements scandaleux qui ont ramené le pays aux premiers âges de l'humanité lorsque les charges étaient accordées par le prince et se transmettaient par héritage ou vente. De simples quidams ont acheté les voix d'élus dans le but de parvenir à la Chambre haute du Parlement, sans que la chose n'offusque quiconque dans l'establishment ! Selon un universitaire consulté à propos de la tendance à la généralisation de la corruption et de l'apparente mauvaise volonté de l'appareil judiciaire à s'autosaisir spontanément “ce serait à la commission économique de l'Assemblée nationale de s'occuper de ce sujet, sans attendre les questions orales d'un groupe de députés adressées à l'Exécutif… Or en Algérie, tout le problème est dans la non-séparation des pouvoirs et la confusion entretenue entre le législatif et l'Exécutif. Ainsi 90% des projets de loi sont introduits par l'Exécutif. Les parlementaires ont été réduits à une simple courroie de transmission de l'Exécutif gouvernemental au lieu de représenter le peuple ! L'Exécutif va jusqu'à demander à la justice d'initier des affaires. La question est de savoir qui requiert la justice, sur instruction de qui ? Or, par le biais du recours quasi-systématique à la dérogation, au décret exécutif et aux ordonnances, le Parlement est contourné !”. Dans sa présentation du numéro 25 de Naqd, Daho Djerbal parle de “l'aptitude des oligarques à protéger les richesses acquises grâce aux décisions politiques favorables, notamment grâce aux décrets présidentiels et à la manipulation des parlementaires. Et c'est là qu'interviennent les clientèles enchâssées dans le pouvoir législatif et exécutif (…)”. R. Sidi Boumediene le relève quand il signale que depuis les années 1990, et surtout avec les années 2000, la “dérogation” est un mode d'action devenu ordinaire (p. 8). L'on comprend dès lors que “ces nouveaux instruments (décret exécutif, ordonnance et dérogation, ndlr) sont des moyens de faire échapper les choix majeurs à la discussion des assemblées élues et aux pouvoirs démocratiquement délégués par la nation (p. 9)”. Reste l'actualité qui dévoile ou rappelle chaque jour de nouveaux scandales à Sonatrach (et BRC), sur le projet de l'autoroute Est-Ouest, et partout où niche l'argent.