Il n'y a pas que la corruption, et il est inutile de rappeler les cas d'impunité ou de sanctions modiques tant les affaires de ce genre se sont succédé au fil des décennies. Vols, détournements de fonds, utilisation des biens et prestations publics à des fins personnelles, fausses facturations ou complicités dans les fausses facturations, complicités d'escroqueries, concussions, prévarications. Et la filière remonte assez loin au cours des décennies passées : pas seulement en raison du laxisme de la justice, mais également en raison du laxisme et du peu de clarté des lois et règlements. Mais aussi de l'indulgence, suspectée à géométrie variable, des gouvernants de l'époque. Mais il est vrai que l'on n'est plus aux époques ou un wali ou un chef de daïra accusé d'indélicatesse pouvait se retrouver ministre ou à la tête d'une représentation algérienne à l'étranger par la suite. L'impunité, c'est d'abord la minimisation des risques, ou même leur suppression : en 2006, les membres de l'APN, à majorité FLN à l'époque, avaient purement et simplement supprimé un article (le n°7) de ce qui devrait devenir plus tard la loi sur la prévention et la lutte contre la corruption. Cet article stipulait que “sans préjudice des peines prévues par la présente loi, l'absence de déclaration de patrimoine dans les délais prescrits entraîne la révocation des fonctions ou la déchéance de mandat électoral”. Ce n'est pas de l'impunité, mais l'escamotage même du délit : plus aucun risque. Dans d'autres cas, il y a d'abord la classique absence de plainte de la part de l'administration, ou bien une plainte mineure par rapport au corps du délit. Il y a également le problème de la saisine ou de l'autosaisine du tribunal, par procureur de la République ou juge d'instruction interposés, ainsi que la désignation du tribunal et de la cour chargés de connaître de l'affaire tous les éléments qui peuvent grandement influencer le cours du procès si jamais il devait avoir lieu. Si ce dernier s'avérait être manifestement clément, on a observé que dans beaucoup d'affaires, procureurs de la République ou administration plaignante s'abstiennent de faire appel. Finalement, on a le personnel politique et administratif qu'on peut. Le problème étant que la corruption a atteint les plus hauts niveaux mais également les plus bas niveaux, conformément à une gouvernance soigneusement verrouillée, héritière d'une tradition de coup d'Etat, prenant et occupant le pouvoir, et puisant ses relais sociaux non pas par le biais d'une représentativité démocratique mais par désignation autoritaire ou cooptation, sans sanction possible en cas de manquement aux missions ou mandats. Ou les affaires ne font même plus scandale. Et qui explique ce sentiment général d'impunité directement fonction du faible degré de participation citoyenne à une telle gouvernance.