Le rapport mondial sur la corruption 2006 de Transparency International (TI), rendu public hier, est consacré, cette année, au thème de la santé. Un secteur qui n'échappe évidemment pas aux détournements de fonds et autres pots-de-vin. Selon cette ONG internationale, la corruption dans l'industrie pharmaceutique et le secteur de la santé prive les personnes nécessiteuses de soins de santé essentiels et encourage le développement de maladies mortelles résistantes aux traitements. Pour TI, l'éradication de la corruption dans le secteur de la santé est une question de vie ou de mort. « Comment évaluer en termes financiers la mort d'un enfant qui succombe durant une intervention chirurgicale parce que l'injection qui devait réanimer son cœur ne contenait pas de l'adrénaline, mais de l'eau ? », s'interroge Huguette Labelle, présidente de l'ONG. Elle rappelle que, chaque année, la planète dépense plus de trois millions de dollars américains en services de santé, dont une grande partie financée par les contribuables. « Ces importants flux financiers sont une cible de choix pour toutes sortes d'irrégularités. Les enjeux sont considérables et les ressources précieuses : l'argent détourné par la corruption pourrait être utilisé pour acheter des médicaments, équiper des hôpitaux ou engager un personnel médical qui fait cruellement défaut. » TI estime que la corruption infiltre tous les maillons de la chaîne de prestations de soins de santé, que ce soit dans le privé ou le public, et de prestations simples ou sophistiquées. La corruption dans l'industrie pharmaceutique peut s'avérer, selon l'ONG, fatale. « Des techniques agressives de commercialisation poussent les médecins à donner une préférence indue à certains médicaments, entraînant une augmentation de prescriptions qui ne sont pas toujours basées sur les besoins réels des malades. La corruption sous-tend le lucratif commerce des contrefaçons pharmaceutiques », écrit TI. Le rapport signale que la corruption entrave les efforts déployés par la communauté internationale visant à venir à bout de la pandémie VIH/sida. Elle mine également, selon l'organisation, les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs du millénaire des Nations unies, dont trois sont liés directement à la santé, à savoir la réduction de la mortalité infantile, l'amélioration de la santé des mères, la lutte contre le VIH/sida et d'autres maladies. « Les plus pauvres sont disproportionnellement affectés par la corruption dans le secteur de la santé, car ils ne peuvent pas se permettre de verser de petits dessous de table pour accéder à des services normalement gratuits ou de se tourner vers de services privés quand la corruption a ruiné les services de santé publics », relève TI. Les exemples du Mexique et du Kenya sont exposés dans ce rapport. Ces derniers illustrent bien comment les fonctionnaires ont abusé de leur autorité pour « détourner des fonds vers les projets ‘‘chouchous'', qu'ils entrent ou non dans le cadre de la politique sanitaire adoptée ». Organes de contrôle, payeurs, sources des soins, fournisseurs et consommateurs sont, selon TI, confrontés à un mélange complexe de motivations qui peuvent favoriser la corruption. Les différentes formes de corruption affectant le secteur de la santé comprennent, entre autres, signale l'ONG, le détournement et le vol des fonds du budget de la santé ou des revenus du ticket modérateur, les médicaments et le matériel médical peuvent également être détournés à des fins personnelles, pour une utilisation en cabinet privé ou pour la revente, le trucage des marchés publics. L'ONG internationale signale que la diversité des systèmes de santé à travers le monde, la multiplicité des parties impliquées, le manque de bonne gestion des données dans de nombreux pays et la difficulté de faire la différence entre corruption, inefficacité et simples erreurs font qu'il est complexe de déterminer dans ce secteur le coût global de la corruption à l'échelle internationale. Devant cet état de fait, TI estime qu'il est essentiel que les pouvoirs publics et les autorités sanitaires publient sur internet des informations régulièrement mises à jour sur les budgets et l'efficacité des services de santé à l'échelon national, local et des centres de soins. Les administrations, les hôpitaux, les services d'assurance maladie et autres organes appelés à manipuler des fonds destinés à la santé doivent faire l'objet d'audits indépendants.