Les Accords d'Evian, conclus le 18 mars 1962 entre la France et le mouvement algérien de Libération nationale (FLN), ont suscité “différentes lectures”. À commencer par la dénomination attribuée à ces accords par chacune des parties : “Déclaration générale” côté français et “Accords d'Evian” côté algérien. C'est ce qu'a déclaré, hier, Abdelmadjid Chikhi, directeur général des Archives nationales, lors de la conférence consacrée à ce thème et organisée par le Centre de presse d'El Moudjahid. Dans ce cadre, l'intervenant a tenté de livrer la lecture faite par la partie algérienne, de 1962 à ce jour, en mettant en exergue son “insatisfaction”. M. Chikhi a cependant insisté sur “le contexte” de l'époque, ainsi que sur “les pressions” subies par chacun des belligérants, en précisant que ces accords avaient “un seul but” pour les Algériens, celui du “combat libérateur et la construction d'un Etat algérien indépendant”. Un objectif d'ailleurs clairement souligné, selon lui, dans la Déclaration du 1er novembre 1954. Le responsable a, en outre, insisté sur le fait que la reconnaissance, notamment dans la déclaration du général de Gaulle du 16 septembre 1959, du droit du peuple algérien à l'autodétermination, n'était pas “un cadeau”, mais “une nécessité” devant la percée de la Révolution algérienne et la réalité de l'époque. Abdelmadjid Chikhi est revenu longuement sur les pourparlers de mars 1962 et sur les désaccords exprimés par les négociateurs algériens, principalement sur la question du partage de l'Algérie entre le nord et le sud, et celle de la souveraineté nationale. “Les négociateurs algériens avaient le même objectif ; le reste était secondaire”, a-t-il dit, avant d'aborder “les concessions faites sur les garanties de la Révolution algérienne aux Français désirant rester en Algérie”. Des garanties, expliquera-t-il, qui portaient sur le respect des droits de l'homme et la constitution d'un régime libéral algérien. “Il faut toujours revenir au contexte et aux événements qui se sont produits à l'époque, comme la politique de la terre brûlée”, a-t-il remarqué, laissant entendre que de tels éléments constituaient un éclairage important à la compréhension de la problématique des Accords d'Evian. De plus, a-t-il ajouté, “je pense que l'Etat français a organisé les choses de telle façon à ce qu'il restera toujours présent en Algérie”, faisant référence à ces “six mois pendant lesquels ils (les Français, ndlr) attendaient qu'on s'entretue, parce qu'ils connaissaient nos divergences”. Au cours du débat, certains anciens combattants ont fait part de leurs frustrations et leur colère devant les limites contenues dans les accords de mars 1962. C'est le cas d'Abdelkader Bouselham, ancien moudjahid et ex-diplomate, qui s'est demandé : “Comment avons-nous accepté de signer ces accords sans toucher aux traîtres et sans poursuivre les criminels ?” “Le Pen, ce criminel, parle aujourd'hui de l'Islam et cherche à ternir l'image de cette religion de tolérance… Le Parlement français nous dit maintenant que la France nous a apporté la civilisation… Malgré cela, nous nous sommes tus”, s'est-il indigné. En marge du forum d'El Moudjahid, M. Bouselham a indiqué que “l'ennemi qui nous a torturés est toujours là”, renvoyant de nouveau les journalistes aux déclarations de l'extrême droite française et à la position du Parlement français. Par ailleurs, il a estimé que la récente initiative de l'APN, relative à la criminalisation du colonialisme, est louable et “sera soutenue par le gouvernement”. “Pendant le guerre, nous étions jeunes et nous croyions beaucoup aux jeunes, car ils sont portés par l'idéal de servir d'abord leur pays. Aujourd'hui, il faut le rappeler constamment à nos jeunes”, a encore soutenu l'ancien combattant, avant de conclure : “Il faut qu'on dépasse nos divergences. Le régionalisme nous a tués.”