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La fédération de France et les négociations d'Evian
NOVEMBRE 1954 - NOVEMBRE 2004
Publié dans L'Expression le 28 - 10 - 2004

La Fédération de France du FLN deviendra le véritable nerf de la guerre des maquis de l'intérieur.
Les maquis dans le pays, soutenus par la population, la fédération de France et la diplomatie sont les trois piliers de la révolution algérienne qui a abouti à l'indépendance du pays en 1962. Pendant que le front de l'intérieur menait une guerre acharnée contre les soldats de l'armée française, la Fédération de France apportait son soutien sur tous les plans.
En 1954, 200.000 Algériens, dont 150.000 travailleurs, vivaient en France. Le Mtld comptait 7 000 adhérents à cette époque. Le mouvement sera interdit dès le 3 décembre 1954, soit un mois après le déclenchement de la révolution du 1er Novembre. En 1956, le MNA comptait 10.000 militants alors que le FLN avait du mal à s'implanter. En 1955, Boudiaf regroupait les cadres de l'est de la France. A partir d'août de la même année, le Constantinois fournit une grande vague d'émigrés pour la France, ce qui devait constituer des troupes fraîches pour le FLN qui continuait à peiner, ne comptant en région parisienne que 200 militants. De 1954 à 1956 le FLN et le MNA cohabitèrent pacifiquement, mais printemps 1956, la situation se dégradera entre les deux mouvements. L'assassinat de Saïfi, vieux militant du FLN, allait mettre le feu aux poudres. Ces combats fratricides avaient fait plus de 4000 morts dans les rangs du FLN et du MNA. Le FLN finira par devenir prépondérant sur presque toute la totalité de la France. La Fédération de France du FLN deviendra alors le véritable nerf de guerre des maquis de l'intérieur. En plus de son activité à l'intérieur de la France, elle fournissait invariablement de 800.000.000 francs à 1 milliard chaque mois au FLN. Sa constitution financière dépassait l'aide des pays arabes réunis. «47 membres de la police parisienne sont assassinés en trois ans», déclarait le ministre de l'Intérieur français, Roger Frey devant l'Assemblée nationale le 13 octobre 1961. Le préfet de police Maurice Papon décrétait la fermeture des débits de boissons fréquentés par les Algériens à compter de 19 heures. Pour protester contre cette mesure raciste, le FLN appelle à une manifestation pacifique le 17 octobre 1961, une première manifestation de masse du FLN qui avait drainé plus de 300.000 ouvriers. Une répression atroce et inhumaine s'abattait sur les participants (morts par noyade et tirs à armes à feu, bastonnade jusqu'à ce que mort s'ensuive). Le 30 octobre 1961, Eugène Claudins Petit déclarait à l'Assemble nationale: «il faut appeler les choses par leur nom. Chaque gardien de paix ne pouvait plus se déterminer à cause de l'ordre reçu et de la décision prise, autrement qu'en tenant compte de la couleur de la peau, de la qualité des vêtements ou du quartier habité». Il finit par cette phrase «heureux les Kabyles blondes qui ont pu échapper aux réseaux de police». Interpellé au conseil municipal de Paris, Maurice Papon répondit «la police a fait ce qu'elle devait faire». Le ministre de l'Intérieur, Roger Frey, avoua en réponse à une question à propos des tenants et aboutissants de cette répression «je n'ai pas le début du commencement d'une ombre de preuve». La manifestation initiée par le FLN le 17 octobre 1961 et la répression qui s'ensuit influeront beaucoup sur d'abord l'opinion internationale, qui pressera la France puis la classe intellectuelle française, devenue hésitante à la limite d'un balancement du côté du FLN. Alors que la France comptait plus de 2.000.000 appelés mobilisés en Algérie, les intellectuels, dont les sommités, rédigent la déclaration de droit à l'insoumission le 4 septembre 1960 appelée «Le manifeste des 121». Par ailleurs, les étudiants commencent à s'opposer à cette guerre. C'est ainsi que l'Union nationale des étudiants français (Unef) réclame la paix en Algérie et défend le sursis d'incorporation des étudiants. En avril 1960, l'Unef tient son congrès et enjoint les autorités à négocier avec le Gpra (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Ainsi décide-t-elle d'une manifestation imposante le 27 octobre 1960. Face à ce retournement de situation défavorable au gouvernement français, le plan de Constantine est mis en application. Outre la construction de l'oléoduc Hassi Messaoud-Bougie et le gazoduc Hassi R'mel-Oran, le gouvernement construit plus de 80.000 logements, 2500 salles de classes et crée 100.000 postes d'emploi. Malgré cette politique volontariste de rattraper le temps perdu en matière de développement en Algérie, le peuple algérien reste insensible à la France. Son seul objectif reste l'indépendance du pays. Le FLN a une totale emprise sur les Algériens. Parallèlement, la diplomatie du FLN n'était pas restée inactive. Grâce à son déploiement en Europe, en Asie et aux Nations unies, elle a fini par convaincre d'une pression discrète sur la France pour l'amener à accepter de négocier l'indépendance de l'Algérie. De Gaulle, en homme politique très avisé, s'est rendu en Algérie. Fort de conclusions faites de cette visite, il propose l'autodétermination aux Algériens le 16 septembre 1959. C'est ainsi que le 22 janvier 1960, il rappelle Massu (général idole des pieds-noirs) à Paris. Alors Alger s'enflamme. Ferhat Abbas alors président du Gpra, répondit à De Gaulle pour lui signifier, le 28 septembre 1959, que le FLN prend acte de sa proposition en lui rappelant que si la France finit par se rendre à l'évidence c'est grâce au combat du peuple algérien et à la justesse de sa cause. C'est à partir de ce moment-là que les négociations, qui aboutiront par la suite aux accords d'Evian, débuteront. Le mois de septembre 1959, une base commune est trouvée. Après la proposition d'autodétermination de De Gaulle, le Gpra s'est déclaré prêt à entrer en pourparlers avec le gouvernement français pour en discuter les modalités d'application, mais il demande que soient admises «l'entité nationale» de l'Algérie, «l'unité sociologique» de son peuple et l'intégrité de son territoire. Le dialogue tourne court après une allocution de De Gaulle à Colmart.
Ce n'est que le 14 juin 1960 que la premier contact officiel eut lieu. Ahmed Boumendjel et Mohamed Benyahia envoyés par le FLN en éclaireurs à Melum reviennent avec l'impression que l'on voulait les entraîner à une sorte de reddition militaire. Le 5 septembre de la même année, De Gaulle exige que l'on «dépose les couteaux aux vestiaires» avant tout dialogue. Le FLN refuse. Le 11 avril 1961, le Gpra est reconnu comme unique représentant du peuple algérien. De Gaulle déclare que cet Etat «la République algérienne» annoncée par lui le 4 septembre 1961, «sera souverain au dedans et au dehors». De mai à juillet 1961, on assistera à un double monologue interrompu à Evian. Le 20 mai, les pourparlers sont ouverts à Evian entre Louis Joxe et Saâd Dahleb, ce qui signifie d'une part que le FLN n'exige plus des négociations en territoire neutre et d'autre part, que le gouvernement français accepte que l'on discute le couteau à la main. Toutefois, les discussions achoppent sur l'intransigeance du FLN quant à «l'unité territoriale de l'Algérie». De Gaulle reconnaît solennellement la vocation algérienne du Sahara le 5 septembre 1961 à condition que l'Algérie demeure associée à la France. Entre février et mars de l'année 1962, De Gaulle lève la dernière objection de fond du FLN, la renonciation à une politique tendant à créer une minorité institutionnelle en Algérie constitue en fait la reconnaissance du peuple algérien. Le 18 mars 1962, la déclaration générale des Accords d'Evian fut signée par Krim Belkacem du côté algérien. Cette déclaration s'accompagnait de différents textes longs et précis, concernant d'une part le cessez-le-feu, de l'autre l'autodétermination, et enfin la définition de la coopération entre la France et l'Algérie souveraine et indépendante. Des années après, il ne reste pas grand-chose de la laborieuse construction d'Evian. Les accords ne seront jamais respectés.
Source: «La Guerre d'Algérie»
Patrick Eveno et Jean Planchais éd. La découverte le journal Le Monde Paris 1989
Réédité par Ed. Laphonic Alger 1991


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