Le FLN vient de clôturer son neuvième congrès. S'il l'on compte bien, le FLN-parti comptabilise l'histoire entière du Front de libération nationale, puisqu'il faut intégrer le congrès de la Soummam – et le congrès de Tripoli – pour arriver à neuf congrès. Il y a dans l'ordonnancement même des annales organiques du FLN un acte de détournement historique. Le congrès de la Soummam ne peut pas être à la fois l'héritage commun de tous les partis et de tous les Algériens et le butin d'un collectif partisan. Pour la simple raison que le FLN historique n'était pas un parti, mais la négation même de l'idée de parti qui, d'ailleurs, avait amené à la dissolution des formations nationalistes de l'époque dans le Front. La guerre de libération, entamée en 1954, dut composer avec une guerre de pouvoir déclenchée à l'été 1956 avec ses victimes, elle aussi. La seconde ne s'arrêta d'ailleurs pas avec la première. Elle finit par imposer l'avantage du militaire sur le politique et de l'extérieur sur l'intérieur, en exacte opposition à la volonté des congressistes d'août 1956. La continuité ordinale des congrès du FLN constitue l'illustration de ce “coup d'Etat permanent” par lequel ils se sont approprié le sigle, son histoire, ses hauts faits militaires et politiques et ses symboles. Un discours dosé achève d'entretenir la confusion entre le Front de libération et le parti de l'arbitraire. Le FLN de la libération est ainsi devenu, à son corps défendant, prête-nom d'ambitions politiques qui refusent de se soumettre au test de la légitimité démocratique. Même les figures historiques sacrifiées sur l'autel de la prise de pouvoir, alors qu'elles combattaient sous l'égide du Front, peuvent être cyniquement revendiquées par les détenteurs du sigle sacré. La détention du sigle éponyme les autorise à monopoliser la mémoire de toute une nation. Les dirigeants successifs du FLN se disputent ce butin de guerre, sournoisement, par des “coups d'Etat scientifiques”, ou violemment, jusqu'à en venir aux mains, comme on l'observe à tous les congrès. Mais sur la vocation mystificatrice infligée aux trois lettres, le consensus est intact. Un demi-siècle après l'indépendance, le sigle demeure un enjeu de stratégies utilitaires. D'ailleurs, les congrès du FLN parti n'ont jamais été motivés par le désir d'approfondissement politique ou de rénovation structurelle. En vingt-huit ans de parti unique, il n'y a eu que… trois congrès. Et le quatrième, en 1990, était motivé par la réforme multipartite qui s'imposait avant l'explosion. Ben Bella avait fait le sien, un peu trop tard, en 1965 ; Boumediene n'en a conservé que… l'appareil ; et Chadli a dû en organiser deux pour se faire désigner… candidat unique, et un troisième au moment où le modèle soviétique implosait. Signe des temps, le FLN retourne au BP de triste mémoire au moment où les Russes se soulèvent contre le “néo-soviétisme” de Poutine ! Belkhadem vient d'inventer l'absurde procédé démocratico-totalitaire où le chef choisit ses préférés parmi les élus de la base ! C'est peut-être la réponse à ce que Bouhara appelle le “besoin de mutation”. Non, c'est à ses occupants de faire leur mutation ; le FLN a besoin d'être restitué. On s'en est trop longtemps et illégitimement servi pour faire trop de dégâts. M. H. [email protected]