Dans un monde où les échanges se multiplient comme jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité, mais où l'on voit aussi apparaître des antagonismes, des tensions, voire des conflits nouveaux, le nécessaire rapprochement des pays du bassin de la Méditerranée apparaît comme une évidence. Héritiers d'une longue histoire commune et d'un patrimoine culturel exceptionnel, nos pays et nos cultures n'ont d'avenir qu'au sein d'un espace méditerranéen partagé, fort de son unité et riche de sa diversité. Sur ce chemin plein de promesses, des étapes importantes se profilent pour l'Algérie. En juin prochain, les chefs d'Etat ou de gouvernement se réuniront à Barcelone pour le deuxième sommet de l'Union pour la Méditerranée, qui sera précédé cette année d'une rencontre de tous les ministres de la Culture. Plus qu'un symbole, cet heureux enchaînement exprime une véritable nécessité : pour construire une action commune ambitieuse en Méditerranée, il est d'abord nécessaire de retrouver le sens de l'échange et du partage, dont la culture est à la fois l'expression et le vecteur idéal. Dans ce processus, les médias ont un rôle essentiel à jouer. C'est dans cette perspective que, du 8 au 11 avril, la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (Copeam) se réunira à Paris, sous le haut patronage du président de la République. Ce rendez-vous réunissant des professionnels d'Algérie et de tous les pays de la région s'inscrit dans un contexte particulièrement propice à une coopération renforcée. En effet, les paysages audiovisuels méditerranéens sont aujourd'hui confrontés à des évolutions convergentes : arrivée d'Internet et de la télévision numérique terrestre, développement spectaculaire des télécoms et de leurs services de médias, émergence de chaînes à rayonnement international… Face à ces nouveaux enjeux, il est urgent de définir des règles communes, afin que le marché d'avenir qu'est l'audiovisuel méditerranéen puisse tenir toutes ses promesses. Outre le développement des infrastructures (Internet haut débit, fibre optique), une première nécessité s'impose : mettre en place un cadre de protection juridique commun, qui favorise la circulation des œuvres tout en les protégeant contre le piratage. Il faut toutefois dépasser ce nécessaire effort de régulation, pour lancer des initiatives volontaristes capables d'insuffler une nouvelle vie à notre culture méditerranéenne, fruit d'un héritage séculaire. C'est dans cet esprit que trois projets emblématiques seront présentés lors de la conférence. Le premier d'entre eux, l'université audiovisuelle de la Méditerranée, vise à jeter des ponts entre les professionnels et étudiants du secteur issus de tous les pays, pour qu'ils puissent non seulement s'adapter ensemble aux évolutions rapides de leurs métiers, mais aussi apprendre à confronter et à enrichir leurs regards sur les œuvres audiovisuelles. Le deuxième chantier que nous proposons s'adresse à un public plus large : au service de la connaissance de l'autre, MeD MeM sera un portail Internet regroupant des archives audiovisuelles des télévisions publiques de toute la région, une véritable bibliothèque d'Alexandrie moderne ouverte à une mémoire partagée. L'Algérie sera ainsi à l'honneur avec des images, par exemple, du classement au patrimoine mondial de La Casbah d'Alger ou sur liens historiques entre Marseille et Alger. Le troisième projet – le plus ambitieux peut-être – consiste en la création d'une chaîne de télévision culturelle, internationale et multilingue. Ce qu'Arte a accompli dans le cadre de la coopération franco-allemande et européenne, nous pouvons le réaliser à l'échelle de la Méditerranée. Nourrie de contributions venues de tous les pays, une telle chaîne transformerait l'espace euro-méditerranéen en une réalité tangible. Ne serait-ce pas là un formidable moyen de conjurer l'antique malédiction de Babel, selon laquelle Dieu “confondit le langage de tous les habitants de la terre”, alors que ceux-ci ne constituaient auparavant qu'“un seul peuple” ? Certains répondront peut-être que ce n'est pas là la priorité, qu'en ces temps de crise généralisée, la culture peut attendre un peu. Nous pensons, au contraire, que c'est notamment grâce à elle que nous pourrons aller de l'avant et faire de l'Union pour la Méditerranée une réalité pour tous les peuples de la région. “Si c'était à refaire, je commencerais par la culture.” On sait que cette citation attribuée à Jean Monnet est purement imaginaire. Est-ce pour autant une raison de ne pas la prendre au sérieux ? E. H. *Président de la Copeam, P-DG de l'INA