Résumé : Mohamed décide de rester au village jusqu'au prochain printemps. La voix de la sagesse lui dicte la prudence. Saura-t-il rester sage devant le regard de Louisa ? 12eme partie Le jeune homme se lève et se met à marcher. C'est bientôt le crépuscule et il ferait mieux de rentrer afin de retrouver Da Idir et les autres à la Djemaâ. Il remonte le sentier abrupt qui mène vers le ruisseau et remarque que des jeunes filles s'empressaient de ramasser leur linge et leurs jarres pour remonter vers le village. Louisa était en pleine discussion avec une autre jeune fille et ne semblait pas pressée de rentrer. Mohamed sentit son cœur battre la chamade. Ah ! que ne fera-t-il pas pour l'approcher et lui parler. Mais vu les circonstances et son état d'étranger dans ce village, il ferait mieux de garder ses distances. Il devait tant à Da Idir et aux villageois et n'aimerait pas déroger à leurs règles ancestrales, et en particulier à celles touchant à la famille et à l'honneur. Car dans ces régions éloignées, adresser la parole à une fille seule et en dehors de chez elle et une faute très grave, et les deux jeunes imprudents qui oseraient défier cette règle seront terriblement châtiés. Il se remet à marcher d'un pas traînant et atterrit à la djemaâ au moment où Da Idir se levait pour partir. - Ah ! te voilà Mohamed. Tu tombes bien, mon fils. J'ai une petite commission à remettre à l'un de nos paysans, mais je ne vais pas tarder à rentrer. En attendant, veux-tu te charger de déposer ces emplettes chez moi ? - Mais, bien sûr, Da Idir. Da Idir lui remet quelques paquets ficelés. - C'est du savon et du sucre que je viens d'acheter chez l'un des marchands ambulants. Heureusement qu'ils pensent à passer dans ce village de temps à autre. Mohamed prend les paquets et se dirige vers la maison située non loin de là. En remontant la ruelle, il eut le temps de remarquer la robe bleu ciel de Louisa qui venait de franchir le seuil de la porte, une lourde jarre sur le dos. Il presse le pas et arrive juste au moment où la jeune fille s'agenouillait pour déposer sa jarre pleine d'eau. Sans réfléchir Mohamed s'approcha d'elle et, l'aida à dénouer la corde qui retenait la jarre au niveau de sa taille et de ses épaules. La jeune fille devint écarlate. Elle se relève promptement et tire sur sa robe avant de tenter de remettre son foulard qui avait glissé sur ses cheveux. Mohamed est fasciné. Les longs et soyeux cheveux d'ébène de Louisa lui arrivaient à la taille. Il tendit la main et voulut les toucher, mais la jeune fille recule et, dans un geste pudique, remet son foulard. Elle lève les yeux et jette un regard furtif à Mohamed. Ce dernier, ne sachant que faire, lui tendit les paquets sans rien dire. Louisa lève encore les yeux vers lui puis les baisse avant de demander dans un souffle : - Veux-tu un café, mon frère ? Mohamed sentit son cœur battre la chamade. Un café ? Mais non ! Ce n'est pas un café qu'il veut ! Il s'approche un peu plus de la jeune fille et murmure : - Je… t'aime… Je t'aime, Louisa. La jeune fille, les yeux baissés, avait les joues en flammes. Elle tente de dire quelque chose, mais n'y parvint pas. Alors elle s'enfuit en emportant les paquets, mais se retourna au seuil de la grande salle qui donnait sur une courette. Elle esquisse alors un sourire à l'intention de Mohamed, puis s'en va sans demander son reste. Mohamed demeure perplexe. Louisa l'avait regardé et lui avait sourit. Il sourit à son tour content de la tournure des évènements. Ainsi, la jeune fille ne le repousse pas. Il lui plaisait donc. Il se met à faire de grands pas puis, constatant qu'il était encore trop tôt pour attendre Da Idir dans une maison où il n'y avait pour l'heure que des femmes, il ressortit pour se rendre à la djemaâ. Le lendemain était un vendredi. C'était le jour du grand marché et Da Idir se fait accompagner de ses neveux et de Mohamed pour vendre une dernière récolte de blé et quelques sacs d'orge avant de procéder aux achats de la semaine. Ils ne rentrèrent que lorsque le jour commençait à décliner. Mohamed avait remarqué que Da Idir avait l'air préoccupé. L'homme affichait un visage grave et malgré quelques esquisses de sourire, Mohamed constate qu'il s'adressait à lui sur un ton glacial. (À suivre) Y. H.