Personne n'osait prendre des décisions pendant cette période. Le scandale qui a éclaboussé Sonatrach a laissé des traces. L'origine de cette situation remonte en fait à une dizaine d'années. C'est ce qu'assure une source très proche du dossier. La gestion de Sonatrach depuis une dizaine d'années a été centralisée à outrance. On a voulu interdire les décisions de responsables sans passer par le Baosem, pour plus de transparence vis-à-vis des partenaires, plus d'égalité de traitement. Dans ce mode de gestion, personne n'avait le droit de prendre des initiatives. Personne n'était capable de prendre des décisions sur par exemple des choix technologiques. À une époque antérieure chacun prenait ses responsabilités. Les grands dossiers à impact politique étaient gérés en interne. Aucun des présidents de la République qui se sont succédé ne se sont ingérés dans les affaires de Sonatrach. Le comité exécutif, l'instance de direction de Sonatrach, décidait. Un directeur de division avait plus de pouvoir de décision que Mohamed Meziane, le P-DG de Sonatrach qui occupait le poste jusqu'à début janvier 2010. Les cadres avaient peur. “Il n' y avait pas dans les années 90 autant de corruption à Sonatrach” Dans cette situation de béance où chacun des responsables n'osait prendre des initiatives, prendre des décisions, se sont engouffrées nombre de personnes avec des intentions malsaines, bref de s'enrichir au détriment de la compagnie. Ces derniers pouvaient influer sur la prise de décision. Conséquence : la corruption, les malversations ont gagné du terrain à Sonatrach. Plus on interdisait, plus on encourageait la corruption. L'organisation mise en place sur la passation des marchés est une bonne chose. Mais il ne fallait pas mettre tout le monde dans le même panier. Les achats pour une usine de GNL, l'approvisionnement d'une base au Sud, une étude, ce n'est pas pareil. Il faut faire confiance aux cadres. Depuis 2000, on est allé jusqu'à priver tout le monde d'initiatives. On ne pouvait pas prendre d'initiatives. Pour de petits achats, il fallait passer par le Baosem. On a commencé alors à tricher. Pour toute conclusion de contrat, il fallait l'autorisation du ministre. Dans les années 90, il y avait des affaires scabreuses à Sonatrach mais pas autant de corruption à Sonatrach. Une conséquence de la gestion de Sonatrach depuis 2000, confie-t-elle. L'équipe Bouhafs décapitée Autre réalité : le top management mis en place depuis 2000 était là beaucoup plus pour exécuter les décisions du ministre de l'Energie, et non pour assumer ses responsabilités et donc décider. C'était beaucoup plus “des pantins entre les mains du premier responsable du secteur. Personne n'osait contredire ni critiquer le grand chef”, commente la même source. On a fini par limoger ou laisser partir en retraite des responsables compétents entraînant une énorme perte dans la capitalisation des connaissances, sans que les nouveaux cadres puissent pour autant profiter de leur expérience. L'équipe Bouhafs, l'ex-P-DG de Sonatrach, connue pour ses compétences a été décapitée. À la place, un P-DG et des vice-présidents placés par le ministre de l'Energie pour des raisons moins objectives. Il convient de noter que les scandales qui ont éclaboussé Sonatrach n'ont pas eu de répercussions ni sur la production ni sur les recettes, ni sur l'exécution des contrats grâce à la présence, au sein de la compagnie pétrolière nationale, de milliers et de milliers de cadres et travailleurs compétents et intègres. À l'international, les potentiels partenaires risquent cependant de ne pas faire confiance à Sonatrach.