L'entame du troisième mandat présidentiel s'annonce mal, très mal, si l'on juge des “performances” jusque-là réalisées. Les scandales de corruption ont défrayé la chronique durant la première année de la troisième mandature. Et contrairement aux affaires précédentes, où l'on avait droit à de petits responsables locaux, parfois des directeurs d'entreprise publique ou des trabendistes, cette fois-ci, les affaires de corruption ont éclaboussé de hauts cadres en fonction au sein des institutions. Premier secteur touché : les travaux publics qui ont bénéficié d'un budget faramineux, dans le cadre des plans successifs de soutien à la relance économique. L'autoroute Est-Ouest, qualifiée de “projet du siècle” a avalé plus de 12 milliards de dollars. Une somme qui en fait saliver plus d'un. Le secrétaire général puis le chef de cabinet du ministère sont mis sous contrôle judiciaire. D'autres cadres du secteur seront convoqués par la justice. Et alors que le scandale n'avait pas encore livré tous ses secrets, d'autres secteurs seront secoués par des scandales de corruption. Le secrétaire général du ministère de la Pêche passera, lui aussi, à la trappe, suivi quelque temps après par de hauts responsables du département des Transports, dont le directeur général de l'entreprise du métro d'Alger, un projet qui a du mal à sortir du tunnel, malgré toutes les promesses. Mais le scandale qui a constitué un véritable séisme reste celui lié à Sonatrach, première entreprise du pays et sa principale source d'entrée de devises. Le patron de la compagnie pétrolière, ses deux fils, ainsi que plusieurs cadres dirigeants de Sonatrach sont accusés de passations de marchés douteux. Les Algériens retiennent leur souffle, les partenaires étrangers commencent à se poser des questions. Et ce ne sont pas les réponses maladroites du ministre de l'Energie et des Mines qui calmeront les esprits. La divulgation en cascade d'affaires de corruption touchant des personnes jusque-là “immunisées” atteindra son apogée avec l'affaire de la DGSN qui se terminera dans le sang. Le patron de la Police algérienne est abattu, dans son bureau, par un de ses adjoints, pour une affaire de passation de marchés douteux. Les choses semblent avoir atteint un point de non-retour, même si le gouvernement maintient qu'il ne s'agit pas d'une campagne “mains propres” ou de chasse aux sorcières, comme on a eu l'habitude d'en connaître par le passé. La thèse de lutte de clans au sein du pouvoir est avancée à l'étranger, confirmée maladroitement par notre ministre de l'Energie et des Mines. Le gouvernement a beau tenter de marteler que la lutte contre la corruption n'avait rien d'une campagne, ni de conjoncturel, et qu'elle se poursuivait conformément aux orientations du président de la République. Ce dernier, trop discret sur cette question, a même fait l'impasse, pour la première fois depuis son accession au pouvoir, sur les célébrations du double anniversaire du 24 Février. Le gouvernement, notamment les ministres dont les départements sont éclaboussés par des scandales, affiche une sérénité déconcertante. Dans d'autres pays, des ministres démissionnent pour moins que cela. Il est vrai que les sommes engagées dans les plans de relance économique successifs sont faramineuses et attisent tous les appétits, ici et là. Il est vrai aussi que l'Etat algérien n'avait jamais engagé auparavant des projets d'une telle envergure, mais il est surtout vrai que le lancement des ces projets s'est effectué dans une conjoncture marquée par la généralisation du phénomène de la corruption et de la culture de l'impunité. Il n'y a pas un secteur qui soit épargné par le phénomène, y compris celui de la justice censé être le rempart contre toutes les tentations et le dernier recours des victimes. Or, si par le passé, les affaires de corruption se limitaient à livrer des lampistes, des présidents d'APC, des petits directeurs d'unité, il est question, à présent, de gros poissons, en attendant de voir défiler les gros bonnets devant les tribunaux. L'Etat essaye d'organiser la riposte, en apportant des changements successifs au dispositif de lutte contre la corruption, en renforçant le contrôle sur les opérations d'importation et de transfert de devises, mais il reste à faire l'essentiel : faire comprendre à tout le monde que l'Etat est bel et bien décidé à ne plus permettre que l'on se serve de l'argent du contribuable pour se remplir les poches. Le meilleur signal serait de parvenir, enfin, à ramener Rafik abdelmoumen Khalifa pour le juger à Alger et démêler l'écheveau du scandale du siècle. Mais cela dépend de la justice britannique dont les procédures sont aussi complexes et du poids diplomatique du pays.