Le président Barack Obama a rendu publique, mardi, la nouvelle doctrine nucléaire américaine. Rompant avec la tradition instaurée par les administrations précédentes, qui consistait à cultiver une ambiguïté volontaire en la matière, le document donne des précisions sur les cibles possibles et les conditions du recours à l'arme nucléaire. Il en restreint l'usage de manière claire. Il garantit, entre autres, que les Etats-Unis n'utiliseront jamais la bombe contre un pays qui ne la possède pas et qui ne cherche pas à l'acquérir, même en cas d'attaque chimique ou microbiologique sauf, toutefois, s'il s'agit d'une attaque bactériologique dévastatrice. “Les Etats-Unis n'envisageront le recours aux armes nucléaires que dans des circonstances extrêmes, pour défendre leurs intérêts vitaux et ceux de leurs alliés et partenaires”, peut-on y lire. Dans un entretien au New York Times publié mardi, le président américain avertit toutefois que ces nouvelles dispositions ne concernent pas les pays “hors norme” comme l'Iran et la Corée du Nord. À travers ce rapport, les Etats-Unis s'engagent en outre à ne plus fabriquer d'armes nucléaires et à ne plus procéder à des essais. Par contre, un effort sera fait pour la modernisation de l'arsenal conventionnel. Confronté aux réticences de sa propre administration à certaines initiatives, le président Obama n'a sans doute pas été aussi loin qu'il l'aurait souhaité, pour honorer l'esprit de son discours de Prague sur un monde sans armes nucléaires et mériter, a posteriori, le prix Nobel de la paix controversé qui lui a été attribué. Il va de soi qu'i s'agit d'un document de compromis et, à ce titre, comme c'est très souvent le cas, il déçoit plus qu'il ne satisfait. Si certains reprochent au Président de n'avoir pas été plus volontariste dans la voie de la dénucléarisation, d'autres, notamment parmi les républicains, l'accusent d'ignorer les choses de la guerre et de mettre en péril la sécurité des Etats-Unis en faisant preuve d'angélisme. Avec la publication, mardi, de cette nouvelle ligne de conduite, Barack Obama inaugure une période d'intense diplomatie nucléaire qui durera une dizaine de jours. Aujourd'hui même à Prague sera signé un accord entre les Etats-Unis et la Russie, portant sur une réduction substantielle des arsenaux nucléaires des deux pays. Les 12 et 13 avril, le président Obama réunira à Washington une quarantaine de chefs d'Etat, dont ceux de la Russie et de la Chine, pour traiter de la sécurité nucléaire dans le monde, en liaison avec le risque terroriste. Actualité oblige, ce sommet se penchera sans doute aussi sur le dossier brûlant de l'Iran. Ce sommet s'inscrit en droite ligne de la nouvelle doctrine américaine, qui considère le risque de terrorisme nucléaire comme plus prioritaire que le danger éventuel émanant d'Etats détenteurs de la bombe. Le nouveau traité START, qui sera signé aujourd'hui par les présidents Barack Obama et Dimitri Medvedev, prévoit la réduction à 1 550 têtes de l'arsenal nucléaire de chacune des puissances. La Russie a salué les dispositions de ce traité, qui indiquent “un nouveau niveau de confiance” avec les Etats-Unis, mais elle se réserve le droit de sortir de cet accord si le bouclier antimissile américain s'avérait dangereux pour la sécurité de la Russie. Moscou s'est notamment félicité du fait que le traité, qui succède à celui de 1991, prévoit la parité entre les deux anciens ennemis de la guerre froide, mettant ainsi fin aux “mesures discriminatoires envers la Russie”. Certes, le chemin est encore lent et les avancées trop timides, mais il est indéniable qu'une nouvelle ère de prise de conscience est en route et Barack Obama est celui qui pourra, par petites touches, contribuer à la traduire en décisions concrètes, capables d'éloigner la planète du cataclysme nucléaire.