“Aperçu sur la question de la diversité des expressions culturelles - Tamazight 30 ans après : entre lois et réalités” est le thème générique de la journée d'étude organisée hier, à la maison de la culture Taos-Amrouche de Béjaïa, par le bureau régional du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), dans le sillage des festivités commémoratives du trentenaire du Printemps berbère d'Avril 1980. Cette rencontre-débat à laquelle ont pris part de nombreux chercheurs universitaires, des hommes de lettres, des enseignants et étudiants en tamazight, des élus locaux et autres invités, se voulait une halte de réflexion autour de la question berbère, notamment son évolution tant sur le plan politico-juridique que sur celui de la linguistique et technique. Une manière de faire un bilan de 30 ans de combat pour la reconnaissance de la langue et culture amazighes en tant que fondement irréversible de l'identité nationale. Ainsi, les différents conférenciers invités par le RCD pour la circonstance ont été unanimes à constater que “tamazight est aujourd'hui à la croisée des chemins”, affirmant qu'“après avoir fait une avancée historique, cette langue se trouve en net recul ces dernières années”. Pour Me Fetta Sadat, avocate de profession, membre de la direction du RCD chargée des droits de l'Homme et vice-présidente d'Amnesty International en Algérie, “bien que tamazight ait connu une certaine avancée qui est le fruit de longues luttes, il n'en demeure pas moins qu'il est toujours otage d'un système négateur et machiavélique”. Abordant le thème de sa communication, à savoir “Tamazight dans les institutions : quelle reconnaissance juridique ?”, la conférencière, en sa qualité de juriste, estimera que “la langue maternelle qui constitue un droit humain ne vaut que par sa consécration juridique. Néanmoins, cette consécration devrait être suivie de mécanismes d'application. Or, chez nous, rien n'a été fait pour que tamazight ait sa place dans l'environnement juridique. L'article 3 bis de la Constitution consacrant tamazight en tant que langue nationale, n'est qu'une réponse politique d'un pouvoir aux abois qui, en 2002, avait cédé à la rue, après l'assassinat de plus de 120 personnes lors du Printemps noir. C'est une demi-mesure”. Me Sadat choquera plus d'un lorsqu'elle informera que “la loi 08-09 d'avril 2008 portant sur le code de procédure civile et administrative a remis sur le tapis la fameuse loi de 1991 relative à la généralisation de l'utilisation de langue arabe, que tout le monde croyait tombée en désuétude”. Selon Me Sadat, cette loi qui condamne, entre autres, toute personne qui oserait signer un document rédigé dans une langue autre que l'arabe, est “une entorse, voire une violation de la loi fondamentale du pays, dès lors que tamazight est également reconnu dans la Constitution comme langue nationale”. Battant en brèche le système éducatif national, la conférencière déplore que “l'enseignement de tamazight se réduit comme une peau de chagrin”, avant d'ajouter que “le HCA se trouve tiraillé et pris en otage par les deux ministères de l'Education et de l'Enseignement supérieur.”. La deuxième communication portant sur l'“aménagement linguistique de la langue amazighe : données factuelles et projections” a été donnée par le docteur Kamel Bouamara, enseignant chercheur en tamazight à l'université de Béjaïa, et auteur de plusieurs ouvrages en langue berbère. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le conférencier a jugé utile de faire d'abord un état des lieux, relevant ce paradoxe qui fait qu'“en Algérie, l'aménagement du corpus de langue amazighe est plus avancé que l'aménagement de son statut juridique”. Selon ce chercheur universitaire, la langue berbère qui s'est imposée par l'oralité, est plus vieille que l'arabe et l'hébreu. Aujourd'hui, elle demeure toujours dans un état de résistance à travers plusieurs pays. M. Bouamara, qui s'est étalé sur les aspects technique et pédagogique de la langue amazighe, plaidera pour “la promotion des départements de tamazight de Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira, au statut d'instituts afin qu'ils puissent bénéficier de plus de moyens humains, financiers et matériels, et surtout plus de prérogatives”.