Le président du Soudan a beau vociférer, mobiliser ses partisans, le coup de la Cour pénale internationale n'est pas sans conséquences ni sur lui ni sur son pays. Depuis l'annonce de la décision de la Cour de lancer un mandat d'arrêt contre Omar el-Bechir, les manifestations de soutien au président soudanais se font de plus en plus nombreuses. Et alors ! La CPI a inculpé le chef d'Etat de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité au Darfour. Le verdict est lourd, très lourd, ne serait-ce qu'au plan psychologique. Quand bien même pour contrer la décision de la CPI, l'Union africaine (UA) s'est dit prête à demander au Conseil de sécurité des Nations unies “d'interrompre” la procédure, que des pays arabes aient fait mention de leur soutien à leur pair soudanais et que la Chine, allié économique du Soudan, a également manifesté son appui au président soudanais. Bien sûr, Pékin pourra toujours s'opposer à d'autres résolutions au Conseil de sécurité mais les Chinois y regarderont à deux fois. Washington s'est dit satisfait du verdict et les Etats-Unis sont le premier marché de la Chine. Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat d'Obama, vient de renouveler à Pékin les solides relations commerciales et financières qui unissent les deux pays. Dans la balance, Khartoum, même si c'est le fournisseur en pétrole de la Chine, ne pèse pas grand chose. Sans les consommateurs américains, adieu la croissance chinoise et bonjour les problèmes sociaux. Cela pour dire que le mandat d'arrêt de la CPI contre El-Bechir ne restera pas sans conséquences. C'est la première fois dans l'histoire qu'un président en fonction est inculpé par la Cour, c'est une première judiciaire qui donnera à réfléchir aux derniers despotes, notamment africains. En outre, grâce à cette décision, le président soudanais ne pourra plus sortir de son pays sans risquer de se faire arrêter. Le mandat jette le discrédit sur lui et même ses pairs qui ne sont pas d'accord avec la décision de la CPI seront dans la gêne s'ils venaient à le recevoir chez eux. Tout comme les pays non signataires du Traité de Rome. Dans tous les cas de figure, il serait gênant d'accueillir un président accusé “de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité”. Les analystes ne pensent pour autant que cette décision va modifier la situation au Soudan, du moins dans l'immédiat. Le régime va se durcir. Et, d'ores et déjà, l'opposition émiettée par une terrible répression prévoit une nouvelle vague d'arrestations d'opposants politiques et de populations hostiles à Omar el-Béchir. Des ONG sont chassées, leurs locaux, matériaux et comptes saisis ! Sur le plan économique la situation va certainement s'aggraver. Le prix du dollar à Khartoum avait augmenté de 30% suite à l'annonce du verdict de la CPI. Les prix des produits de première nécessité vont donc s'envoler. Et pour ne pas arranger les choses, le prix du baril du pétrole, la richesse du Soudan, est en chute libre. Il reste que la procédure lancée par la CPI ne peut pas être suspendue. Le seul recours est que le Conseil de sécurité des Nations unies la reporte à douze mois, et ainsi de suite, pendant trois ans, en vertu de l'article 16 du Traité de Rome. Mais, il faudra que Paris, Londres et Washington acceptent de proroger la procédure de la CPI. Ce qui n'est pas acquis. Omar El-Bechir paie aussi ses vingt ans d'autocratie. Il y a une fin à tout. Mugabe s'est entêté mais il a plié après que le choléra ait décimé une partie de sa population. Auparavant, le président kenyan s'est lui aussi confondu en excuses et accepté de partager le pouvoir avec l'opposition qui l'avait gagné aux élections, après également une terrible guerre intercommunautaire… D. Bouatta