La question migratoire constitue l'un des enjeux de ce scrutin. Des millions de Britanniques seront appelés aux urnes aujourd'hui pour élire les nouveaux membres du Parlement et choisir le locataire du 10 Downing Street. Parmi les électeurs figure une forte communauté musulmane que les candidats des différents partis courtisent sans vergogne pour pallier un taux d'abstention probable. Mais il n'est pas sûr que les musulmans de Grande-Bretagne votent en masse, surtout pas pour les travaillistes qui les ont stigmatisés et qui ont pris part à l'invasion de l'Irak. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis d'Amérique et ceux de Londres en 2007, les musulmans du pays sont la cible de campagnes de diabolisation qui ont accentué leur isolement. Pour faire entendre leurs voix, ils ont mis en place leur propre force politique, avec l'aide de quelques parlementaires britanniques, en rupture avec l'establishment. L'un d'eux est Georges Galloway, un membre de la Chambre des communes qui a quitté le Parti travailliste après l'engagement de celui-ci dans la guerre en Irak. Le député a créé sa propre formation “Respect”, pour défendre les droits de musulmans de Grande-Bretagne. Outre les musulmans, l'ensemble de la communauté étrangère est l'objet d'un sentiment de xénophobie grandissant que la récession économique dans le pays a amplifié. Surfant sur cette vague de chauvinisme, les candidats des principaux partis en lice, font de la question migratoire un enjeu capital de leurs campagnes respectives. Travaillistes, conservateurs et libéraux s'accordent sur la nécessité de restreindre le nombre des étrangers. Le parti au pouvoir défend son système d'immigration à points. De leur côté, les conservateurs envisagent d'établir un seuil qui comprimera drastiquement le flux des arrivées. En agitant la question migratoire, le Premier ministre Gordon Brown et ses rivaux veulent surtout pallier leur difficulté à convaincre les électeurs sur leur capacité à redresser la machine économique. La Grande-Bretagne se débat dans une crise sans fin depuis trois ans. Le chômage a atteint des seuils intolérables. Des banques se sont écroulées. La City, deuxième place financière dans le monde, a la réputation en berne. Depuis le début de la crise, le gouvernement a employé toutes sortes de moyens pour redresser la barre. En vain. L'échec économique des travaillistes n'est pas la seule raison compromettant leur chance de victoire aux élections. L'opinion leur reproche d'avoir suivi les Américains en Irak et d'avoir engagé les troupes britanniques en Afghanistan. L'ère du Labour a commencé en 1993, suite à l'élection de Tony Blair. Après 14 ans à Downing Street, il a renoncé au pouvoir en faveur de son ministre des Finances, Gordon Brown. Son alliance controversée avec Georges Bush est la principale raison qui a précipité son départ. Il donnera sa voix aux libéraux : Profil d'un votant d'origine algérienne Djamel est un enseignant d'origine algérienne. Il vit à Londres depuis un peu moins d'une vingtaine d'années. Il a assisté aux élections successives qui ont permis au parti travailliste de s'éterniser au pouvoir. Comme beaucoup de Britanniques, il porte un jugement très sévère sur la gestion du pays par les travaillistes, sur le plan économique, mais également pour leur campagne militaire en Irak. Djamel n'a pas une plus grande estime pour les conservateurs, un courant élitiste, qui est en rupture avec la société. Entre la peste et le choléra, l'enseignant a choisi de voter pour les libéraux, un mouvement dont le leader Nick Clegg a créé la surprise pendant la campagne électorale, en s'imposant comme une alternative probable aux candidats des vieux partis. Jeune et ambitieux, il dégage en outre une plus grande sincérité que ses rivaux. “Il représente le changement”, observe Djamel. En tant qu'enseignant, il apprécie les idées développées par les “Lib-Dems” pour réformer le système éducatif. Sous les travaillistes, les écoles et les universités ont connu des jours sombres. L'Etat a procédé à la réduction des fonds nécessaires à leur fonctionnement. Les trouvant trop chères, beaucoup d'étudiants ont renoncé aux études supérieures. Pour Djamel, il est temps que la situation change. Très admiratif de la démocratie britannique, il sait que les électeurs ont le pouvoir de provoquer une rupture. “Ici, le peuple décide vraiment”, fait-il remarquer. Il en veut pour preuve que les candidats font tout pour séduire les votants. Au cours de débats télévisés inédits, Brown et ses deux concurrents se sont surpassés, dans l'espoir de conforter leur position dans les sondages d'opinion. “Les apparitions des leaders politiques visaient aussi à réconcilier les électeurs avec la politique, et à prévenir un taux d'abstention important”, précise Djamel. L'année dernière, une affaire de notes de frais avait ébranlé les certitudes des Britanniques sur la transparence de leur système parlementaire et l'intégrité des députés.