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Dernière étape du processus institutionnel
LEGISLATIVES EN IRAK
Publié dans L'Expression le 15 - 12 - 2005

Les Irakiens sont appelés aujourd'hui à élire les 275 membres du Parlement, dernière phase d'un processus engagé au début de l'année.
Les élections législatives d'aujourd'hui marquent normalement la dernière phase du processus institutionnel qui a débuté en janvier dernier et qui doit, en principe, favoriser le retour de l'Irak à sa pleine souveraineté. Ainsi, un peu plus de 15, 5 millions d'électeurs sont appelés aujourd'hui aux urnes dans les 18 provinces irakiennes -qui constituent autant de circonspections électorales- pour élire les 275 députés du nouveau Parlement lequel élira à son tour le Conseil présidentiel qui aura à charge de désigner le gouvernement qui aura alors à gérer le pays pour la longue durée. Toutefois, le spectre de la violence -le scrutin est placé sous haute surveillance- demeure omniprésent alors que l'organisation Al Qaîda en Irak dirigée par le Jordanien Abou Moussab Al Zarqaoui, menaçait hier, sur un site islamique, de mettre le pays à feu et à sang. Nonobstant cet impondérable, 7.655 candidats postulent aux 275 sièges du Parlement, selon les chiffres communiqués hier par la commission électorale indépendante. C'est Baghdad qui concentre le plus grand nombre de candidats ( 2.161) concourant pour les 59 sièges attribués à cette circonspection. La commission électorale indique par ailleurs que les 7.655 candidats se répartissent entre 307 entités politiques (partis politiques ou candidats indépendants) et 19 coalitions. D'autre part, selon la même source, 230.000 délégués des candidats et 120.000 observateurs d'ONG, dont plus de 800 étrangers, encadrent le scrutin pour lequel 33.000 urnes sont prévues. A la différence des législatives du 30 janvier dernier, boycottées par les sunnites, celles d'aujourd'hui verront une participation «massive» de ces derniers, selon des représentants de cette communauté.
Toutefois, les sunnites partent handicapés par le fait qu'ils ne disposent pas de leaders charismatiques à même de contrebalancer le poids des alliances kurdes et chiites. Le leader sunnite le plus connu, Adnane Pachachi, (83 ans) a pris ces derniers mois quelque recul par rapport à la politique et ne semble d'aucune aide pour sa communauté. Salah Al Motlaq l'un des leaders du Parti islamique irakien -principale formation politique sunnite et membre de la liste du Front de la Concorde- ne semble toutefois pas être à même de rassembler une classe politique sunnite très fractionnée. De fait, le Front irakien de la concorde (l'une des deux principales listes sunnites) qui regroupe notamment le Parti islamique, la Conférence du peuple d'Irak et le Conseil du dialogue national, a affirmé hier disposer d' «informations sur des fraudes». «Des parties ont reçu des sommes d'argent pour manipuler les résultats», a affirmé le Front dans un communiqué, sans autres précisions. A propos de la participation des sunnites au scrutin, un des candidats sur une des listes sunnites, le cheikh Zakaria Mohi Al Tamimi a affirmé que «les sunnites sont en train de rejoindre massivement le processus électoral parce qu'aujourd'hui chacun d'eux est considéré comme un terroriste par le gouvernement et que les prisons sont devenues leur nouveau foyer». Si les sunnites éprouvent quelque peine à trouver des leaders et à former des blocs ‘'compétitifs'' ce n'est guère le cas pour les chiites et les kurdes qui partent aux législatives en rangs serrés. Ainsi, le camp kurde mené par deux leaders de poids, le président actuel de l'Irak, Jalal Talabani, leader de l'UPK (Union patriotique du Kurdistan) et Massoud Barzani, président de la région autonome du Kurdistan et leader du PDK (Parti démocratique du Kurdistan) est bien décidé à conforter la semi-autonomie dont bénéficie le Kurdistan, présentant comme en janvier une alliance électorale. Les chiites qui ont le vent en poupe veulent aussi confirmer leur leadership sur le nouvel Irak. Les figures emblématiques de ce mouvement sont certes le grand ayatollah Ali Sistani qui a pesé de tout son poids pour, d'une part, imposer des normes à la nouvelle classe politique chiite, déconseiller à ces derniers toute revanche autre qu'électorale, d'autre part. Aussi, a-t-il joué ces deux dernières années un rôle de modérateur parmi la population chiite.
Par ailleurs, les politiques chiites les plus en vue sont incontestablement Abdel Aziz Hakim, leader du Csrii (Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak, majoritaire dans le Parlement sortant) et le turbulent ex-rebelle Moqtada Sadr, qui bénéficie de l'aura de son père le charismatique grand ayatollah, Mohammed Sadeq Sadr et du cousin de ce dernier, le grand ayatollah Mohammed Baqer Sadr. L'atout principal de Moqtada Sadr est qu'il est suivi par les population pauvres d'Irak qui voient en lui le leader du futur Irak. Parmi les autres ténors chiites, citons également l'actuel Premier ministre, Ibrahim Al Jaafari, chef du parti chiite le plus ancien en Irak, la Parti Da'wa, fondé à la fin des années 1950 par Mohammed Baqer Sadr, oncle du dirigeant radical Moqtada Sadr. Le laïc, Iyad Allaoui, ancien Premier ministre et chef du Mouvement de l'Entente nationale va tenter de récolter le plus grand nombre de députés pour pouvoir défendre sa vision du nouvel Irak. Par ailleurs, en prévision des élections d'aujourd'hui et au vu des menaces, notamment de Zarqaoui, l'ambassade américaine à Baghdad a mis en garde les officiels américains résidant en Irak leur demandant de limiter autant que possible leurs déplacements car, selon elle, «pendant cette période, les risques d'augmentation de la violence sont extrêmement élevés».
D'autre part, questionné sur le scrutin irakien, le président américain George W.Bush a indiqué: «Je sais qu'il (l'Irak) sera uni, reposant sur des sortes de principes universels (...) la liberté de culte, l'Etat de droit, la propriété privée, le marché, tous liés à une Constitution que les Irakiens ont approuvée, et que les Irakiens vont améliorer». A une question sur les possibilités de division de l'Irak, M.Bush a dit: «Non, ce serait un désastre (...) s'il y avait trois nations séparées». Mais le destin et le devenir de l'Irak restent définitivement entre les mains de ses citoyens et les élections d'aujourd'hui seront indicatives de ce que veulent les Irakiens.


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