Les manifestants antigouvernementaux thaïlandais ont accepté le plan de sortie de crise du Premier ministre qui prévoit des élections en novembre, mais ont maintenu la pression en poursuivant leur mouvement jusqu'à ce que soit précisé le calendrier électoral. Les “Chemises rouges” souhaitaient une issue non violente à une crise qui a déjà fait 27 morts et près de 1 000 blessés mais n'accordent aucune confiance à l'homme dont ils réclament la tête, Abhisit Vejjajiva, le chef du gouvernement, au pouvoir depuis fin 2008 à la suite d'un coup d'Etat militaire masqué par un renversement d'alliances parlementaires et des décisions de justice favorables. Les “rouges”, qui jugent ce gouvernement complètement illégitime, ont donc accepté son projet en principe. Mais ils maintiennent les barricades en bambous aiguisés, pneus et barbelés tranchants derrière lesquels ils se sont retranchés depuis un mois dans le centre-ville de Bangkok. Quelques heures avant l'annonce par les “Rouges” de l'acceptation du plan gouvernemental de sortie de crise, Thaksin Shinawatra, l'ex-Premier ministre en exil, chassé du pouvoir en 2006 par un putsch et dont se réclament de nombreuses “Chemises rouges”, avait invité ses partisans à la réconciliation. Le dénouement de la crise thaïe coïncide avec l'anniversaire hier du couronnement du roi Bhumibol Adulyadej, 82 ans, figure immensément révérée en Thaïlande. “C'est un jour de bon augure”, n'ont pas manqué de souligner les Thaïlandais qui en un mois ont perdu leur légendaire sourire. Ce n'est qu'après l'annonce de la date de la dissolution, que les “Chemises rouges” enverront des représentants pour discuter de la feuille de route en cinq points avec le gouvernement. Abhisit a proposé la tenue d'élections législatives le 14 novembre, plus d'un an avant l'expiration de son mandat, alors qu'il avait jusqu'ici offert d'organiser des élections anticipées en décembre. Il a posé cinq conditions générales à la tenue d'élections : la monarchie ne doit pas être affectée, des réformes doivent être mises en œuvre pour combattre l'injustice sociale, un organisme indépendant doit être créé pour assurer l'impartialité des médias, une enquête devra être menée sur les violences qui ont fait 27 morts depuis le début de la crise, et un amendement constitutionnel, dont il n'a pas précisé la teneur, pourrait être voté. La crise est révélatrice du fossé qui s'est agrandi depuis des décennies entre élites traditionnelles de la capitale et masses rurales et urbaines défavorisées du pays. Les “Chemise rouges” dénoncent la confiscation des privilèges par les élites gravitant autour du palais royal, militaires, magistrats, hommes d'affaires et hauts fonctionnaires. Ils exigent la fin de ce qu'ils dénoncent comme un système judiciaire à deux vitesses, ainsi qu'une meilleure répartition des richesses et de l'accès au pouvoir. Ils demandent aussi le retour à l'ordre constitutionnel qui prévalait avant le coup d'Etat militaire contre Thaksin. Le gouvernement a promis qu'une amnistie serait discutée pour permettre aux manifestants de rentrer chez eux, sans poursuites mais les responsables des “Chemises rouges” ont assuré qu'ils n'essaieraient pas d'obtenir d'amnistie sur les accusations de terrorisme et d'attaques contre la monarchie, préférant se défendre ouvertement devant la justice. La date de la dissolution du Parlement et de la tenue d'élections est cruciale, les deux camps souhaitant être au pouvoir en septembre lors du remaniement de la police et de l'armée, très influente dans le pays, et de l'adoption du budget. Et c'est là-dessus que l'opposition suspecte Thaksin de vouloir tirer que vers lui la couverture en privilégiant l'élection des siens pour remplacer des généraux et juges qui ne lui ont pas été fidèles. L'actuel chef du gouvernement n'a jamais caché son dessein de réduire les pouvoirs arbitraux de la monarchie.