Le ministre des Transports aurait signifié une fin de non-recevoir à la revendication salariale des travailleurs de la SNTF. La direction générale de l'entreprise a, de son côté, déposé une plainte contre les travailleurs pour “grève illégale”. Le conflit prend une nouvelle tournure. La grève des cheminots qui paralyse les rails depuis dimanche dernier se durcit au fil des jours. Aucun compromis à même d'atténuer la crise ne se profile à l'horizon. Même le dialogue amorcé lundi dernier entre le syndicat et la direction générale de l'entreprise n'a pas fait long feu. Hier, le débrayage des cheminots était au centre d'une réunion au niveau de la DG mais les syndicalistes n'y étaient pas conviés. Les travailleurs sont “invités” au tribunal. La direction a exécuté, hier, ses menaces “d'appliquer les dispositions de la loi pour grève illégale” en déposant une plainte, a révélé hier après-midi le syndicat. C'est donc l'impasse. Voire le clash entre les deux parties qui avaient engagé des négociations. Côté stations ferroviaires, c'est la paralysie totale. Pis, le trafic ferroviaire n'est pas près de reprendre de sitôt. À en croire certaines indiscrétions, la tutelle ne compte pas lâcher du lest pour désamorcer le conflit qui s'achemine vers le pourrissement. En effet, le ministre des Transports aurait signifié “un niet catégorique” à la revendication salariale des travailleurs de la SNTF. Suite à la première tentative d'apaisement de la crise, la direction générale de l'entreprise, qui a appelé à la reprise du travail, s'est réunie lundi dernier avec la Fédération nationale des cheminots. La DG a laissé entendre que la revendication des travailleurs la dépasse et qu'elle la soumettrait aux instances concernées. Pour une fois, chose promise, chose due. Mais pas tout à fait puisque le ministre des Transports aurait refusé de répondre favorablement à l'augmentation salariale des travailleurs. Une telle position risque à coup sûr d'envenimer davantage la situation et de faire persister le conflit. La détermination des cheminots que nous avons rencontrés durant ces trois jours de grève ne risquerait pas d'être ébranlée par le niet de la tutelle. “Nous avons trop attendu et tellement donné. Aujourd'hui nous voulons recevoir, et advienne que pourra”, fulmine un cheminot informé par l'éventuel “niet” de la tutelle. “Cette grève, nous ne l'avons pas vue dans nos rêves et nous ne nous sommes pas réveillés à 5h en nous disant : il faut la faire. C'est une action mûrement réfléchie et qui a enregistré l'adhésion de tous les travailleurs. Car comme on dit, le couteau en a fini avec la chair et a atteint l'os, ce qui est insupportable. Il y a des limites à tout et c'est notre limite”, ajoute le cheminot qui n'arrive pas à joindre les deux bouts avec un salaire de 18 000 DA et cinq enfants à sa charge. En fait le non-aboutissement de la convention de branches des cheminots est la goutte qui a fait déborder le vase. Se sentant trahis après une longue attente et de l'espoir, les travailleurs “qui ont compris les intentions des pouvoirs publics” ont décidé de prendre leur destinée en main et outrepasser leur propre syndicat. Ce dernier comprenant mieux que quiconque la position de leurs collègues n'ont d'autre choix que de les soutenir. Mieux, la Fédération nationale des cheminots hausse le ton et ne compte pas “intervenir par une quelconque initiative que ce soit pour apaiser la colère de la base”. À la question de savoir que fera la fédération si le “niet” de la tutelle se confirme, le chargé de la communication du syndicat répond tout de go : “Les cheminots, qui ont bravé le terrorisme pendant de longues années, pourront faire face au chantage de la tutelle. Ce n'est pas de cette façon que le conflit sera réglé.” Revenant sur la revendication salariale des travailleurs, Mechikhi Djamel précisera que “le cheminot ne demande ni aide ni aumône mais réclame un droit des plus légitimes”. Ce droit n'est autre que l'application de l'article 52 de la convention collective signée en 2006 qui stipule : “En aucun cas le salaire de base des cheminots ne peut être inférieur au SNMG.” Mieux, une des nombreuses dispositions de la convention de branches des travailleurs des rails note : “Tout article avantageux dans la convention collective prime sur la convention de branches.” Sur le terrain, la violation des dispositions de la loi est flagrante puisque nombreux sont les cheminots qui ont à leur actif plusieurs années d'expérience dont le salaire de base n'atteint pas le SNMG. “Il y a quelques années, quand le salaire des cheminots dépassaient le SMIG son exclusion de toute augmentation était acceptable. Aujourd'hui que le SNMG dépasse le salaire de base des cheminots et que ces derniers réclament leur droit, on trouve des réticences”, s'étonne le chargé de communication du syndicat. Et d'ajouter : “Quand on applique la loi il faut l'appliquer dans toute sa rigueur et non à moitié.” En un mot, le conflit des cheminots n'est pas près de connaître son épilogue et devient de plus en plus inextricable. Nous n'avons, malheureusement, pas pu arracher la moindre réaction du côté de la DRH de l'entreprise où une réunion qui a commencé le matin s'est éternisée. C'est du moins la justification avancée.